vendredi 14 février 2025

BD - "Les navigateurs" raconte l'histoire de Paris, cité lacustre et fantastique

Voir Paris différemment. Loin des clichés touristiques, d'une cité figée dans un passé récent. Le roman graphique "Les navigateurs" de Serge Lehman et Stéphane de Caneva est digne d'une expérience psychédélique. Vous allez pénétrer dans un monde que vous ne soupçonnez pas, une monde fantastique rempli de monstres sévissant dans les profondeurs de la capitale depuis des siècles et des siècles. Du noir et blanc, entre enquête contemporaine, plongée dans le surréalisme et visions cauchemardesques. 

Max
Pour prendre le chemin de la "vieille mer" et croiser le chemin de "l'aragne" ou des "mangles", le lecteur doit d'abord apprendre à connaitre les trois membres de la bande du Panorama. Trois ados de la banlieue (Clamart), qui 20 années plus tard, sont toujours en relation. Max, écrivain brimé, journaliste frustré mais vivant quand même de sa plume, Sébastien, héritier de la maison d'édition de son père et Arthur, l'aventurier, celui qui voulait découvrir le monde mais qui vit toujours à Clamart, une jambe en moins, handicapé ne survivant qu'avec sa pension et l'argent sale de petits trafics. 

Les trois copains ont intégré dans la bande, durant moins d'un an, une fille. Neige. Quand elle revient, ils décident de l'inviter dans une soirée de retrouvailles. Mais c'est dans sa maison que le groupe se reconstitue, découvre une fresque cachée sous une tapisserie moisie. 

Neige, Max et la fresque.

Le soir même, Neige disparait alors que Max est persuadé qu'elle est victime d'une araignée géante. Neige qui est dessinée, nue, sur la fresque.  

Le début, entre considérations d'adultes torturés par les contraintes d'aujourd'hui et irruption du fantastique dans leur quotidien est intrigant. Ils mènent l'enquête, découvrent un monde caché dans les quartiers populaires parisiens et finissent par enfin trouver une entrée vers le monde de la "vieille mer". 

Une histoire passionnante, qui pourrait se décliner en série télé (à condition d'y mettre le budget en décors et effets spéciaux). Les dessins de Stéphane de Caneva, en noir et blanc, avec quelques hommages à des graveurs du début du XXe siècle comme Odilon Redon, sont parfois à la limite de l'hypnose. Attention, à trop les regarder, vous pourriez vous aussi rencontrer l'aragne ou un mangle à l'odeur de boue et de déchets organiques en putréfaction. 

"Les navigateurs", Delcourt, 208 pages, 26,50 € 


Un roman historique - La prophétesse voilée


Avec plus de 75 romans à son actif, Jean d’Aillon est un forçat de la plume. Longtemps universitaire, il ne se consacre pourtant exclusivement à l’écriture de romans historiques que depuis 2007. Avec une régularité de métronome, il aligne les nouveautés. 

Dernière en date, La prophétesse voilée, où il est question de « la cruelle et sanglante guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons ». Edward Holmes, le héros récurrent imaginé par Jean d’Aillon est sur la piste d’un tueur en série parisien. Il tue et éventre des prostituées. En plein XVe siècle, une sorte de « brouillon » de Jack l’éventreur…
« La prophétesse voilée », Jean d’Aillon, 528 pages, 10/18, 9,60 €

jeudi 13 février 2025

BD - Le Brésil en ébullition quand Ava Gardner arrive pieds nus

Dieu qu'elle est belle ! Ava Gardner ne laisse personne indifférent. La star américaine a suscité nombre d'amours déçues. Belle au cinéma, belle dans la vie de tous les jours et, paradoxalement, encore plus belle quand elle est dessinée par Ana Mirallès. L'illustratrice espagnole, au style réaliste d'une finesse et d'une légèreté inégalée, a trouvé dans cette figure de la beauté un modèle d'exception. Et pour corser le tout, Ava n'est pas commode et sait toujours ce qu'elle veut. 

Cela permet au scénariste de cette BD, Emilio Ruiz (compagnon de la dessinatrice), de condenser un portrait de la star en relatant 48 heures de sa vie. 48 heures passées au Brésil en 1954. Elle a accepté de faire une tournée mondiale pour la promotion de son nouveau film, La comtesse aux pieds nus. Elle arrive dans un pays au bord de la rupture. Le président vient de mourir et la situation politique est explosive. Elle est admirée, mais reste un symbole de cette Amérique honnie par une bonne partie de la population. 

Tout se complique dès la descente de l'avion. Les journalistes et des dizaines de fans sont au pied de la passerelle. Presque une émeute. Ava est tripotée, chahutée. La police intervient mollement. Arrivée à l'hôtel, elle décide d'annuler la conférence de presse. Dès lors elle jouera en pays ennemi. Cela ne l'empêchera pas de faire quelques caprices (changer d'hôtel ou de chauffeur, visiter la ville en pleine nuit, boire plus que de raison...). On découvre une femme libre, déterminée et sûre d'elle. Même si elle est toujours torturée par son ex-mari, Frank Sinatra et courtisée par le milliardaire Howard Hugues. 

Cette BD, aux pages d'une beauté remarquable (mais c'est toujours le cas avec Ana Mirallès), refait vivre une époque où les réseaux sociaux ne faisaient pas la pluie et le beau temps chez les people. Une seule chose importait : le talent. Et Ava n'en a jamais manqué. 

"Ava, 48 heures dans la vie d'Ava Gardner", Dargaud, 112 pages, 22,50 €

Un classique - Le bossu

Les grandes sagas historiques ont le vent en poupe. Au cinéma, les Mousquetaires (hommes ou femmes…) ou le Comte de Monte-Cristo attirent les foules. 

N’oublions pas qu’à la base, ces histoires passionnantes sont des romans français qui ont fait rêver plusieurs générations. Et dans le même genre, plongez-vous dans les aventures du Bossu, roman de Paul Féval, paru sous forme de feuilleton en 1857. Une somme que les éditions 10/18 ressortent en ce début 2025 au format poche. 

Un beau pavé, mais moins dangereux que les épées quand elles sont maniées par Lagardère.

« Le bossu », Paul Féval, 10/18, 840 pages, 9,60 €

mercredi 12 février 2025

BD - Les Pestaculaires à la chasse au trésor

Pourquoi se priver d'exploiter une série qui marche ? Surtout quand les auteurs mettent autant d'application à faire ce spin-of. Les Spectaculaires, une bande de saltimbanques redresseurs de torts, imaginés par Régis Hautière et Arnaud Poitevin, animent depuis quelques années le catalogue des éditions Rue de Sèvres. Une BD s'adressant plutôt aux grands ados et adultes encore charmés par l'ambiance feuilletonesque du Paris du début du XXe siècle. Alors pourquoi ne pas décliner l'idée avec les même héros, mais encore enfants. Cela donne les Pestaculaires, gamins des rues déjà intrépides et très doués pour s'attirer les ennuis et résoudre les énigmes. Le dessin, un peu plus simple, les intrigues moins fouillées, font que l'ensemble s'adresse aux plus jeunes. Une excellente façon de découvrir la BD en général.

Comme dans la série d'origine, c'est la jeune et très acrobate Pétronille qui donne le "la". Elle est l'âme du groupe, la fille qui n'a jamais peur et fonce dans le tas. Cela permet à ses trois copains d'oublier leurs jeux enfantins pour aller à sa rescousse. Evariste deviendra un homme volant, Félix un loup-garou et Eustache un homme de fer. Dans le second album, la petite bande découvre avec joie qsue les rues de Paris se couvrent de neige. Manque de chance, c'est aussi à cette occasion que leur plus grand ennemi, Ignace, s'évade de la prison avec ses complices. Avec une seule idée en tête : se venger des Pestaculaires. Ces derniers, dans un moulin abandonnés, découvrent le plan d'un trésor. Celui des dames de Montmartre. Le début d'une chasse au trésor dans Paris, avec aussi course-poursuite entre les enfants, Ignace et ses comparses, la police et un mystérieux voleur qui signe ses forfaits de l'étrange message "Arsène Lapin, le gentleman cabrioleur". Et des cabrioles, il va y en avoir à foison dans un théâtre abandonné. 

Une série joyeuse, gaie, trépidante et inventive tout en rendant hommage à un style de littérature qui a fait rêver plusieurs générations de Parisiens et de Provinciaux.

"Les Pestaculaires" (tome 2), Rue de Sèvres, 48 pages, 13 €  

Une autobiographie - Le pape François

Le 15 janvier dernier, l’autobiographie du pape François a été mise en vente en France. Mais pas que. Le catholicisme étant une religion planétaire, ce texte du souverain pontife en exercice (écrit en collaboration avec Carlo Musso), a bénéficié d’une sortie mondiale dans 100 pays. 

Une autobiographie événement donc qui raconte les racines de sa famille (des émigrés italiens tentant leur chance en Argentine) jusqu’à sa nomination au sommet de l’Église. Il revient sur sa jeunesse, ses engagements, le tout illustré de très nombreuses photos personnelles. 

Un texte que le pape François ne voulait dévoiler qu’après sa mort, mais face aux défis du moment, il a préféré le publier en ce début d’année 2025.
« Espère », Pape François, Albin Michel, 400 pages, 22,90 €

mardi 11 février 2025

BD - Animaux subtils

Encore des Mousquetaires ! Mais cette fois en BD et qui se transforment en… animaux. Imaginés par Deveney et mis en images par Dante, ces Mousquetaires fantastiques permettent aussi au jeune lecteur de réviser des fables de La Fontaine.

Artimon, bourru et bon vivant, fait équipe avec Valère, jeune et lettré. Deux mousquetaires réquisitionnés pour tenter de mettre fin à la révolte des animaux. Dans ce royaume de France imaginaire, les sangliers, renards, blaireaux et autres lièvres se rebellent contre l’avancée des humains. Pour comprendre le phénomène nos mousquetaires vont demander conseil à La Fontaine, célèbre fabuliste.

Qui va leur dévoiler son plus grand secret : en se plongeant dans une source magique, on peut de transformer en animal. La suite de la BD voit le trio se transformer en dogue (Artimon), chat (Valère) et hibou (La Fontaine). Une histoire magique, sur la tolérance et l’entraide sous toutes ses formes.

Une série très originale et prometteuse.
« Mousquetaires fantastiques » (tome 1), Delcourt, 72 pages, 16,50 €

lundi 10 février 2025

BD - Île assiégée

Dans un futur proche, l’Europe est à feu et à sang. Des millions de réfugiés cherchent à fuir le continent. Vers l’Écosse ou l’Islande, dernières contrées acceptant encore des étrangers. Caryl Férey est à l’origine de cette série prévue en trois tomes avec Corentin Rouge au dessin.

Depuis Le Havre, les derniers bénéficiaires d’un laissez-passer tentent de prendre un bateau. Simple chalutier surchargé qui met le cap vers l’Écosse. A son bord un scientifique, et son passeur. Ce vieux professeur a une autre destination : l’Islande. Au prix du sacrifice de nombreuses vies, il va atteindre son but mais sur place les autorités ont durci les lois face à cette véritable submersion migratoire.

Les réfugiés sont emprisonnés dans un camp où la violence règne en maître.

Une vision très pessimiste sur les conséquences du dérèglement climatique et de la montée des théories nationalistes du repli sur soi.
« Islander » (tome 1), Glénat, 160 pages, 25 €

Cinéma - « La pie voleuse » : petits larcins contre grande bonté

Pour aider sa famille, une aide à domicile dérobe des petites sommes à des personnes âgées. Le nouveau film de Robert Guédiguian, tourné dans le quartier de l’Estaque à Marseille, est profondément humain.


Bienvenue à l’Estaque, quartier de Marseille. Ses petites maisons typiques, sa population chaleureuse, sa vue imprenable sur la Méditerranée. L’Estaque, décor toujours aussi éblouissant de plusieurs films de Robert Guédiguian dont le dernier, La pie voleuse. Une histoire simple, de gens sans prétention, tentant de vivre dignement dans un monde de plus en plus dur et exigeant. Maria (Ariane Ascaride) est aide à domicile. Elle s’occupe du quotidien de quelques personnes âgées. Son mari, Bruno (Gérard Meylan), est au chômage et passe trop de temps au bistrot à jouer aux cartes. Et à perdre de l’argent.

Alors Maria pioche parfois dans les réserves de ses « petits vieux » pour renflouer le ménage qui croule sous les dettes. Et puis elle détourne aussi quelques chèques de M. Moreau (Jean-Pierre Darroussin) pour payer la location d’un piano pour son petit-fils qu’elle rêve de transformer en grand interprète. Petits larcins sans grandes conséquences, qui passent inaperçus.

L’art de joindre les deux bouts

Un bête concours de circonstances fait s’écrouler l’édifice mis en place par cette gentille pie voleuse, si dévouée pour ses « victimes » qu’elle considère comme sa seconde famille. La mésentente entre Laurent (Grégoire Leprince-Ringuet) le fils de M. Moreau, va pousser ce dernier à s’intéresser à ses comptes. Et découvrir qu’il loue un piano depuis quelques mois. Piano qui n’a jamais été installé chez lui mais chez une certaine Jennifer. Qui est cette femme ? La maîtresse du vieil homme qui ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant ?

La chronique sociale aurait pu virer au fait divers. C’est sans compter avec l’incorrigible optimisme du réalisateur. Et à la force de l’amour. Un coup de foudre (superbement interprété par Marilou Aussilloux, comédienne originaire de Narbonne de plus en plus en vue et Grégoire Leprince-Ringuet) va bousculer l’ordre établi, rapprocher les contraires, permettre à la raison de l’emporter.

Un film résolument positif, sur la difficulté de rester dans les « clous » quand on est acculé financièrement. Mais que représente une petite pie voleuse face au hold-up (toujours très légal…) de certains milliardaires ?

Film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Marilou Aussilloux, Grégoire Leprince-Ringuet

 

dimanche 9 février 2025

BD - Tanis, avant les pharaons


Valérie Mangin et Denis Bajram partagent leur passion de l’Égypte ancienne dans cette nouvelle série dessinée par Stéphane Perger. Tanis est une jeune femme aux cheveux blancs. Un signe tabou dans ce village paisible installé près de trois pyramides monumentales.

Personne ne doit toucher Tanis sous peine de malédiction. Le jeune Sépi, amoureux de Tanis, respecte la consigne et freine ses envies d’aventure. En découvrant une entrée dans la pyramide, Tanis va changer le destin de Sepi. Il deviendra l’égal d’un dieu.

Un récit fluide permet de découvrir la vie en Égypte avant les pharaons.

Et la naissance de certains dieux ainsi que leur origine. Le tout dans une présentation graphique de très grande qualité.
« Tanis » (tome 1), Dupuis, 72 pages, 17,50 €