La semaine dernière, après avoir parcouru le livre sur la vie d'Alphonse Allais, j'ai cherché dans Gallica, le site de la bibliothèque nationale, à quoi ressemblait "Le Journal", quotidien qui a publié nombre de ses chroniques. Des milliers d'exemplaires numérisés sont à la disposition des visiteurs. Plongé dans ces vieux papiers avec délice, je vais de découverte en découverte. J'épluche les pages, fasciné par la liberté de ton des rédacteurs, j'arrive enfin aux petites annonces. Dans un numéro de janvier 1902, je tombe des nues en découvrant la quantité astronomique de messages de solitaires cherchant l'âme sœur, aux intitulés particulièrement explicites. Les dames, généralement "bien sous tout rapport", cherchent un homme "distingué et riche". La fortune demeure un paramètre essentiel. Certaines n'hésitent pas à placer la barre très haut en précisant qu'elles ne répondront qu'aux messieurs au compte en banque bien garni. Exemple cette jeune femme de 23 ans à la recherche d'un "homme véritablement du grand monde, ayant une rente d'au moins 40 000 francs." Et l'histoire se répète dans l'autre sens quand je découvre la demande de cet "officier de marine, 24 ans, désirant mariage avec fille unique pour succéder à beau-père dans commerce, industrie ou grande exploitation agricole, France ou étranger." Il aurait pu préciser, "laide, grosse ou cul-de-jatte, je prends quand même... » Après ça, qu'on ne me dise pas que notre société contemporaine s'est déshumanisée à cause du progrès.
Intelligent, beau, fluide et passionnant : "L'hermine" de Christian Vincent offre à Fabrice Luchini un grand rôle très éloigné de ses trop fréquents cabotinages. Il n'a pas remporté le César pour l'interprétation de ce président de cour d'assises, par contre sa partenaire dans le film, Sidse Babett Knudsen a décroché celui de meilleur second rôle féminin. Luchini s'est consolé avec le prix de l'interprétation au festival de Venise. Des prix mais surtout un film passionnant, notamment pour les amateurs d'histoires judiciaires. "L'hermine", Gaumont, 19,99 euros
Sacré à juste titre comme plus grand cinéaste de son temps, Terrence Malick est aussi le réalisateur américain le plus proche de certains artistes européens. Si ses grandes fresques historiques ("La ligne rouge" ou "Le nouveau monde") placent la barre très haut dans un certain académisme, il en est tout autre dans ses dernières réalisations, plus intimes et abstraites.
Sur un scénario minimaliste (un scénariste d'Hollywood en pleine dépression existentielle va de femme en femme), dans "Knight of Cups" il filme Los Angeles et Las Vegas comme personne. Chaque plan est composé comme un tableau. Avec le mouvement en plus. Que cela soit dans des décors urbains, en plein désert ou dans une piscine, on ne peut que rester hypnotisé par une telle maestria de cadrage. Quasiment tourné comme un documentaire, le jeu des acteurs semble le dernier des soucis de Malick. Christian Bale, le scénariste, ne dit pas un mot durant le 1 h 50, promenant son indifférence au monde entre parties et rencontres amoureuses. Il croise ainsi la route de Cate Blanchett, Natalie Portman, Freida Pinto et la pétulante Teresa Palmer. "Knight of Cups" est une superbe réussite esthétique, hypnotisante de bout en bout. "Knight of Cups", Metroplitan, 19,99 euros le DVD, 24,99 euros le blu-ray avec un livret.
Depuis tout petit je suis fan du concours de l'Eurovision. Pas pour la musique mais à cause des bizarreries de certains candidats. Chaque année, comme dans tout bon feuilleton, quelques polémiques grondent ou alors un pays sort un artiste on ne sait d'où. Même si souvent on a l'impression que les sélections se déroulent dans les hôpitaux psychiatriques. La Biélorussie semble avoir décroché le gros lot en 2016. En désignant un certain Ivan pour la représenter, le buzz est assuré. Ce jeune homme filiforme, aux longs cheveux blonds, a tout simplement l'intention d'interpréter sa chanson entièrement nu et accompagné de loups. Tout nu, avec des loups. Difficile de faire plus surréaliste que ce mélange d'à poil et de poils. On a déjà vu le travesti à barbe, les hard-rockers sataniques, le transsexuel israélien, le groupe de trisomiques et autre candidate sans petite culotte, mais des loups, jamais. Reste maintenant au producteur d'Ivan à obtenir l'autorisation des organisateurs pour faire monter ses animaux sur scène. Pour ce qui est de la nudité, il y a toujours moyen de filmer intelligemment pour cacher l'essentiel. Quant à la philosophie de l'ensemble, elle est expliquée par le fameux producteur, persuadé que son poulain va l'emporter : "Toute personne s'identifie avec une sorte de totem animal. Nous voulons que chacun sente ce délicat équilibre entre l'homme et la nature." Je ne sais pas ce qu'ils fument en Biélorussie, mais cela me paraît sacrément gratiné. A moins qu'Ivan, en allant baguenauder dans la forêt en compagnie de ses loups préférés, ne soit tombé sur des champignons un peu spéciaux.
Tiré d'une histoire vraie, le film de Farid Bentoumi avec Sami Bouajila raconte l'incroyable épopée d'un Algérien pour se qualifier aux Jeux olympiques d'hiver en ski de fond.
Parfois, les meilleurs sujets de films se trouvent à notre porte. Quand Farid Bentoumi, jeune cinéaste d'origine algérienne, veut se lancer dans la réalisation de son premier long-métrage de fiction, il ressort l'incroyable aventure vécue par son propre frère quelques années auparavant. En 2006, Noureddine Maurice Bentoumi a participé aux Jeux olympiques de Turin sous la bannière algérienne. Ce skieur de fond, loin d'avoir les performances de Martin Fourcade, a pourtant suscité intérêt médiatique et enthousiasme national pour sa performance. Car avant de s'élancer sur la piste italienne, il a dû lutter pour réaliser les minima lui ouvrant les portes de l'Olympe. Le film de Farid Bentoumi va un peu plus loin. Outre le portrait de cette famille d'immigrés encore partagée entre nouvelle vie en France et reste de la famille, il y met une bonne dose d'économie avec à la base la volonté d'une petite PME française de sauver son activité. Stéphane (Franck Gastambide), ancien champion de ski de fond français, a créé sa propre marque de matériel. Du haut de gamme, fabriqué avec soin par des professionnels. À la tête de l'entreprise, Samir (Sami Bouajila), un ingénieur, fils d'émigré algérien. Après quelques années florissantes, la crise et la concurrence obligent la petite société à voir plus grand. Ils signent un contrat de sponsoring avec un skieur suédois. À la clé des médailles aux prochains JO et une sacrée publicité. Poussé par sa fédération, le champion revient sur sa signature. À terme, c'est la faillite de la boîte.
Neige et oliviers
Stéphane a alors l'idée de trouver un remplaçant. Ce sera Samir. Pour la bonne et simple raison qu'il est Algérien et qu'il pourra représenter son pays. Avec une belle histoire en plus à raconter par les médias. Samir, acculé, accepte et se lance dans un entraînement effréné. Mais le chemin est long avant d'atteindre les minima imposés. Un peu trop linéaire et classique, le film se déroule entre superbes paysages enneigés des Alpes et champs d'oliviers en Algérie. Car Samir, pour obtenir l'aval de sa fédération doit se rendre en Algérie. Il y retrouvera ses cousins, restés au bled pour vivre simplement de la culture des oliviers. Un choc de civilisation qui constitue le véritable intérêt du film. Entre cette société ancestrale et le jeune chef d'entreprise beaucoup plus Français qu'Algérien, c'est rapidement l'incompréhension. Au final on se retrouve face à un "feel good movie" un peu trop aseptisé. Par manque de temps, le réalisateur fait l'impasse sur certaines problématiques qui auraient mérité plus de profondeur comme la corruption en Algérie ou la condition des femmes. L'émotion est quand même au rendez-vous, avec quelques rires grâce à Franck Gastambide et Bouchakor Chakor Djaltia, l'interprète de Kader, le père de Samir, toujours entre naïveté et tendresse. __________________
Franck Gastambide : un acteur est né
Dans le second rôle du film de Farid Bentoumi, on retrouve Franck Gastambide, un chauve qui va faire de plus en plus parler de lui. Étonnant parcours de ce natif de Melun, dont la formation de base est le dressage de chiens. Il découvre le milieu du cinéma sur le tournage des "Rivières pourpres". Enthousiaste, il devient un professionnel recherché. Et petit à petit il va quitter sa spécialisation pour faire l'acteur. Ce sera l'aventure du "Kaïra Shopping" pour Canal + en 2009 transformé en film qui fera près d'un million d'entrées en 2012. Devenu comédien à temps complet, il se risque dans des rôles plus dramatiques comme pour "Enragés" et "Made in France" ou comique dans "Good Luck Algeria". Surtout, il récidive à la réalisation. Mais sans ses potes Kaïras cette fois, en tournant "Pattaya". Une comédie complètement barrée à base de boxe thaïe et de nains. Il écrit, réalise et interprète le premier rôle du film phénomène de ce printemps. Un banlieusard amateur de musculation pour ressembler à... Vin Diesel. Un énorme éclat de rire, toujours à l'affiche et qui remplit les salles (1,7 million d'entrées en quatre semaines d'exploitation...). Après ce carton au box-office, il faudra désormais compter avec cet acteur et ce metteur en scène passionné.
Arleston aime jouer avec les Dieux. Ils sont omniprésents dans cette nouvelle série dessinée par Stephen Lejeune. Oscar, jeune étudiant en médecine, est expédié dans le passé par Athéna. Il devra combattre un autre voyageur du passé, un soldat américain de la guerre de Sécession. Le premier est l'ingénieur du second propulsé pharaon car l'action se déroule en Egypte ancienne. Si Oscar est partagé, désirant revenir dans son présent, Pharaon est persuadé qu'avec leurs connaissances technologiques, ils pourront dominer le monde. Ils vont finalement s'affronter, comme le veut les Dieux de l'Olympe qui n'y voient qu'une distraction. Une série dotée d'un fort potentiel de développement. "Odyxes" (tome 2), Soleil, 14,50 euros
Divine surprise : les comptes de la Nation se redressent plus vite que prévu. Résultat le ministère des Finances se retrouve à la tête d'une "cagnotte" de 5 milliards d'euros. Immédiatement les spéculations vont bon train pour trouver une utilisation à cette somme inespérée. D'un côté les puristes désirent accélérer l'effacement de la dette. Et au passage revenir au plus vite au 3 % de déficit promis à Bruxelles. Ce serait dans un premier temps la volonté de François Hollande. Mais en coulisse, nombreux sont ceux qui plaident pour un coup de pouce aux ménages les plus modestes. Normal, 2017 pointe son nez. 2017, année de la présidentielle. Reste qu'il ne faut pas être devin pour douter de l'efficacité de la méthode. Juste se souvenir. En 1999, une reprise économique plus forte que prévue surprend le gouvernement. Les rentrées fiscales explosent et Lionel Jospin se retrouve à la tête de 9 milliards (50 milliards de francs à l'époque), la première "cagnotte" après des décennies de crise. Le Premier ministre socialiste de l'époque, pourtant excellent gestionnaire, se laisse convaincre de redistribuer cette manne. L'assurance de se faire élire en 2002 d'après ses conseillers. A l'arrivée, Jospin ne parvient même pas à se qualifier au second tour, la cagnotte est engloutie, la dette repart à la hausse... Désormais la balle est dans le camp de l'Élysée. Quelle sera sa décision ? Mystère. Seule certitude, beaucoup auraient préféré que la révélation de cette "cagnotte" ne quitte pas les murs de Bercy.
Six mille. Pas un de moins. Tel est l'objectif que s'est fixé François Hollande au quotidien. Pas 6 000 chômeurs en moins, ce serait trop beau (et totalement irréalisable), simplement 6 000 pas chaque jour. Le président va équiper son smartphone d'un podomètre et s'astreindre à marcher un peu plus. Une opération de communication lancée sous les bons auspices de Michel Cymes, le toubib de la télé et la mise en pratique dès aujourd'hui lors du lancement de l'Euro de foot par le président. Marcher est bon pour la santé. Mais il faut au minimum 6 000 pas quotidiens pour en ressentir les effets bénéfiques. François Hollande, qui a repris du poids depuis son élection en 2012, a certainement besoin de retrouver la forme pour affronter les prochaines échéances électorales. Reste à savoir comment est paramétré son podomètre. Le problème de Hollande ces derniers mois reste indéniablement sa propension à faire deux pas en avant et un en arrière. Comme la réforme constitutionnelle qu'il s'apprête à abandonner ou du moins à alléger de plusieurs points pour cause de blocage au Sénat. Question : deux pas en avant, un en arrière, compte trois pas ou un seul ? Dans le second cas de figure, s'il veut atteindre son quota quotidien, François Hollande devra marcher deux fois plus. Par contre, dans le premier il aura inventé une nouvelle méthode d'amaigrissement en restant presque sédentaire. Une problématique totalement étrangère à Nicolas Sarkozy. Il n'a pas besoin de marcher, son tic de bouger les épaules lors de ses discours lui suffit à brûler autant de calories que les 6 000 pas de Hollande.
L'imagination de Léo et de Letendre semble sans limite. Ces deux auteurs sont devenus les spécialistes des histoires d'exploration spatiale. "Centaurus" raconte comment l'Humanité, face à la désertification de la Terre, a lancé un immense vaisseau monde dans l'espace pour coloniser une planète dotée d'une atmosphère compatible à la vie. Un périple de 400 ans, plusieurs générations et enfin l'exploration de cette "terre étrangère" nommée Vera. Un petit groupe se rend sur place pour évaluer les possibles dangers. Et rapidement ils sont légion : des insectes gigantesques, des oiseaux pieuvres, des petits hommes blanchâtres, des ruines menaçantes... Des découvertes qui n'empêchent pas les savants de progresser jusqu'à un lieu en tout point identique à un monument de la vraie Terre. Dessinée par Janjetov, cette saga passionnante et palpitante s'intéresse aussi aux relations entre explorateurs. Ou comment trouver l'équilibre dans un groupe disparate et jamais d'accord... « Centaurus" (tome 2), Delcourt, 12 euros
Les auteurs le précisent bien en cours d'album "On n'est pas dans Olivier Rameau". Conséquence, un gentil petit oiseau se fait dézinguer en plein vol et l'héroïne, Ludivine, passe le plus clair de son temps entièrement nue. Personne ne s'en plaint quand on sait que Dany est aux pinceaux. Il n'a pas son pareil pour dessiner des filles aux courbes rebondies et généreuses. Cette Blonde aux grands yeux bleus est pourtant une intellectuelle. Étudiante, elle se rend à la médiathèque pour mettre la touche finale à sa thèse sur l'influence du sexe sur le cours de l'Histoire. Mais un bug dans l'ordinateur la transporte dans le passé. Un périple imaginé par Erroc et Rodrigue. Avec les hommes préhistoriques, puis à Rome en passant par la France d'Henri IV, la jolie demoiselle aux idées féministes va se retrouver au cœur des événements. De la matière brute pour sa thèse car son sex-appeal n'est pas sans conséquences sur les réactions des grands de ce monde, de Napoléon à Jules César. Gai, débridé, sexy et bourré de jeux de mots : un album idéal pour passer un bon moment. "Ludivine", Glénat, 14,50 euros