samedi 13 avril 2013

Billet - Plongée dans le passé avec un profil Facebook sur la Grande Guerre


Les historiens ne vont pas forcément apprécier, mais l'initiative a l'avantage de permettre à un nouveau public de s'intéresser à cette matière. Le Musée de la Grande Guerre, associé à une agence de communication, raconte sur Facebook le quotidien d'un poilu. Léon Vivien, instituteur à Paris, débute son profil en juin 1914 par l'annonce de l'assassinat de François Ferdinand, archiduc d'Autriche. Ensuite son « journal » reprend les informations du quotidien, jusqu'à l'attentat contre Jaurès. On sent une gradation dans les commentaires. La mobilisation, l'attaque des Allemands : au début, il vit la guerre par procuration en recevant des nouvelles d'un ami, Jules. Un jeune médecin rapidement fauché par un éclat d'obus. Le conflit s'avère finalement plus long que prévu. Quelques jours après l'annonce à ses amis de la grossesse de son épouse Madeleine, Léon reçoit son ordre de mobilisation. On s'imprègne alors du quotidien du Poilu en formation, avec la publication de manuels et photos tirées des riches archives du Musée de la Grande Guerre. Et le 10 avril 1915, Léon Vivien annonce son départ pour le front. 
Cette façon de raconter la guerre 14/18 a remporté un immense succès sur le réseau social. En moins d'une semaine, le profil de Léon Vivien a récolté plus de 22 000 « fans ». Même avec 98 ans de décalage, relater la guerre à la première personne et au présent rend toute l'horreur de cette abominable boucherie. L'impact n'en est que plus fort.   

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce samedi en dernière page de l'Indépendant.

vendredi 12 avril 2013

Billet - Fortune virtuelle en BD ou bitcoins

Déclarer son patrimoine ? D'accord, mais il existe des moyens pour dissimuler sa fortune. Entre l'or et les liasses de billets cachées sous le matelas de grand-mère, une bonne partie de notre richesse peut être occultée.
Laurent Wauquiez, par exemple, a trouvé d'autres valeurs refuges. Il déclare être propriétaire d'un appartement à Paris et d'une maison au Puy-en-Velay. Il oublie sa collection de BD. Dans une interview au site ActuaBD.com en 2010, il confie : « Il est rare qu’il se passe une semaine sans que j’aille dans mon magasin de BD acheter dix à vingt albums. ». Sortons la calculette. En moyenne, il achète donc 15 albums par semaine, soit 780 par an. S'il a cette habitude depuis 15 ans (il en a 38),  sa bibliothèque compte 11700 BD. Quand on sait que la valeur moyenne équivaut à 12 euros, sa collection représente un capital de 140 400 euros. Loin d'être négligeable... 
Encore plus juteux, le placement en bitcoins. Cette monnaie virtuelle imaginée par des informaticiens se veut totalement autonome des marchés financiers et des états. En 2010, un programmateur italien achète une pizza pour 10 000 bitcoins. Soit environ 41 dollars. Depuis quelques semaines ce moyen de paiement théorique a vu sa cote exploser. Aujourd'hui, la même pizza, en argent sonnant et trébuchant, dépasse le million d'euros.
Reste à savoir si un seul ministre, assez visionnaire, a investi ses indemnités en bitcoins. S'il existe, qu'on lui donne immédiatement le ministère des Finances ! La dette de la France sera effacée en deux mois.

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

jeudi 11 avril 2013

Billet - Trois scénarios catastrophes d'une fin du monde exemplaire

Il y a quelques mois, tout le monde ricanait grassement en glosant sur la fin du monde. Le summum de cette tartufferie avait pour cadre le petit village de Bugarach (photo Th. Meynier). Aujourd'hui, le monde tourne toujours. Mais les risques d'apocalypse demeurent d'actualité. Entre les rodomontades du dictateur nord-coréen et la désagrégation de l'État français après l'affaire Cahuzac, rien ne va plus.
Sur internet les théoriciens du « mondus interrompus » ne manquent pas d'imagination pour nous faire paniquer. Dernier prophète en vogue, Nick Bostrom, philosophe à Oxford. Très sérieusement, il émet les trois hypothèses les plus probables susceptibles de sonner le glas de l'Humanité.
Premier risque : l'hiver nucléaire. L'explosion de plusieurs bombes atomiques entraîne la formation d'un nuage opaque et filtre les rayons du soleil. Les températures chutent, les derniers humains n'y survivent pas. Autre possibilité, la guerre bactériologique. L'épidémie d'un virus élaboré par l'homme se propage à toute vitesse, plus rapide que la mise en place d'un vaccin. Enfin l'humain risque d'être supplanté par une intelligence artificielle devenue autonome. Dans tous les cas, le philosophe fait remarquer que cette apocalypse découle directement du savoir des hommes. En clair, nous sommes toujours des animaux, dépassés par nos inventions.
Une réflexion brillante mais un oubli essentiel : l'invasion des zombies. Si l'on en croit internet, ils restent le danger numéro 1...

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant.

mercredi 10 avril 2013

Billet - Familles hétéroclites

Le débat sur le mariage pour tous au Sénat donne une nouvelle occasion aux opposants de mettre en avant leur célèbre slogan « un papa, une maman : on ne ment pas aux enfants ». Beaucoup moqué sur Twitter depuis un happening un peu risible (pour ne pas être plus méchant...), cette apologie d'une « famille normale » cache en fait bien des différences. Pour s'en persuader, il suffit de parcourir un site américain et son répertoire de photos de famille excentriques. Franchement, côté traumatisme, des couples hétéros bien sous tous rapports peuvent parfois faire beaucoup de dégâts dans leur entourage.  
Que penser de ce père de famille grassouillet, posant avec son bébé dans les bras, simplement vêtus, chacun, d'une couche culotte. La maman, derrière, arbore une tunique d'ange... Cette fillette est très contente de poser contre son papa... et de sa tronçonneuse brandie telle une arme. Un homme est tellement fier des trois femmes de sa vie qu'il s'est fait tatouer dans le dos les visages de son épouse et de ses deux filles.  La photo la plus inquiétante : le couple pose avec sa fillette et une marionnette de ventriloque comme si l'assemblage de bois et de tissus faisait partie du foyer au même titre qu'une personne de chair et d'os. 
En fait, il n'existe pas de famille normale. On est obligatoirement excentrique dans le regard des « autres ». Leur norme n'est pas la nôtre.  Et inversement.  Mais le remède est tout bête : la tolérance.

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.

Littérature - Souvenirs d'écrivains avec Alain Rémond et Umberto Eco

Alain Rémond et Umberto Eco écrivent sur leur jeunesse. Avant d'être écrivain pour l'un, en le devenant pour l'autre.

Utiliser le « je » pour un romancier peut être une figure de style. Dans ces deux livres, « Tout ce qui reste de nos vies », un récit signé Alain Rémond et « Confessions d'un jeune romancier », des conférences sur la littérature d'Umberto Eco, le « je » est réel, omniprésent. Mais ils sont détournés. Alain Rémond l'utilise pour parler de son père. Umberto Eco à travers sa propre expérience parle des grands écrivains qui l'ont marqué, inspiré et passionné.

Un jour, au cours d'une promenade en campagne, Alain Rémond pour échapper à l'averse se réfugie sous un hangar en ruine. Il découvre des montagnes de papiers abandonnés aux quatre vents : courriers personnels, factures, bulletins de paye, relevés de compte bancaire. Toutes les traces de plusieurs vies, une histoire familiale vouée à disparaître lentement, inexorablement. Cette relation avec l'écrit, le papier, les traces, Alain Rémond la raconte avec une grande pudeur dans ce récit. Il explique au lecteur que lui aussi, a quelques papiers précieux au fond de ses tiroirs. Des vestiges. Notamment une lettre de son père. Son père ne lui a jamais écrit. Les quelques lignes étaient destinés une des tantes du journaliste chroniqueur. Il regarde régulièrement les pattes de mouche, ultimes traces du père, mort trop tôt, sans avoir eu le temps de parler à ses enfants.
Comme pour conjurer le sort, Alain Rémond, dans son métier, a une relation quasiment charnelle avec le papier. Il explique comment il est incapable d'écrire directement sur un ordinateur. « Telle est ma vie, ainsi va ma vie, s'écrivant, se déchiffrant sur une feuille de papier. » Et il est envahi. Mais ne sait pas jeter, « faire de la place ». « Tous ces mots écrits à la main, toutes ces feuilles noircies de mon écriture, c'est comme mon propre sang. J'aurais l'impression de me mutiler. J'aurais l'impression de commettre un crime. J'aurais l'impression de commettre un sacrilège. » Alain Rémond est un homme de l'écrit. C'est sa religion. Sa prose, belle et sensible, lui attire nombre de fidèles.

L'alchimie de l'écriture

Pour Umberto Eco, la littérature est une découverte tardive. Dans ces « Confessions d'un jeune romancier », il raconte comment son chef-d'œuvre, « Le nom de la rose », a vu le jour. Simple universitaire à l'époque, un ami lui demande d'écrire une nouvelle policière. Par esprit de contradiction il refuse et fanfaronne : « si je devais écrire une histoire d'enquête criminelle, ce serait un roman d'au moins cinq cents pages qui se passerait dans un monastère médiéval ». Au delà de l'anecdote, le romancier italien dévoile quelques-uns de ses « trucs » pour bâtir une intrigue, imaginer des personnages... écrire, tout simplement. Avec une espièglerie étonnante pour un octogénaire, il se dévoile en expliquant certains de ses « doubles codages », essentiels pour lui, parfois invisibles pour le lecteur. Enfin saluons la dernière partie du livre sur les listes. Une pratique littéraire un peu tombée en désuétude mais d'une force étonnante quand elle est maîtrisée comme dans les œuvres de Rabelais ou Joyce.
Michel Litout
« Tout ce qui reste de nos vies », Alain Rémond, Seuil, 14,50 €
« Confessions d'un jeune romancier », Umberto Eco, Grasset, 17 € (Disponible en format poche au Livre de Poche)



mardi 9 avril 2013

Chronique : MSN, Julie Lescaut, tout a une fin

Alors que les sénateurs planchent sur un projet de loi pour interdire l'obsolescence programmée, dans le vrai monde même les légendes ont une fin. Hier, MSN a fermé et TF1 a annoncé l'arrêt de la série Julie Lescaut. Lancé en 1999, Windows Live Messenger révolutionne la communication sur internet. Pour la première fois on peut parler simplement à un ami connecté en même temps que vous. Échanges rudimentaires certes, mais instantanés et gratuits. Très vite MSN devient le terrain de jeu de tous les ados. Avoir une adresse MSN est obligatoire si l'on veut exister. D'autres fonctions se rajoutent, comme les émoticones. Et puis apparaît Facebook... Entretemps Windows a racheté Skype. Des deux systèmes de messagerie sur le marché, l'un doit disparaître. MSN incarne pour toute une génération les premiers émois devant un écran, au même titre que ses premiers comédons ou l'apparition de ce fin duvet synonymes de passage à l'âge adulte.

Véronique Genest aussi, en interprétant Julie Lescaut, a beaucoup compté dans l'imaginaire d'une génération de petits Français. Sa chevelure rouge en a fait fantasmer plus d'un. Atteinte par cette satanée « obsolescence programmée » elle s'éclipse après 101 épisodes. Mais rassurez-vous, les chaînes de la TNT vont se précipiter sur ce monument télévisuel qui a lancé, ne l'oublions pas, l'inénarrable Jean-Paul Rouve d'avant Les Robins des Bois... 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Béka, deux voyageurs en Chine


Béka
, le scénariste des célèbres Rugbymen, est en fait un couple d'auteurs : Bertrand Escaich et Caroline Roque. Donc, quand Béka raconte sous forme de gags le voyage en Chine d'un couple de Français, il y a de fortes probabilités que Ben et Nina soient très inspirés de leurs propres pérégrination en Asie. 

Marko, au dessin, simplifie son trait pour donner encore plus de puissance aux dialogues et situations comiques. Et elles ne manquent pas car partir à l'aventure dans un immense pays sans maîtriser la langue est une gageure risquée. 
Ben est souvent à l'origine des gags. Indécrottable geek, il voit plus la montée du modernisme dans le pays que les traditions séculaires. Nina est plus rêveuse, plus dans l'empathie. Mais cela ne va pas jusqu'à partager certaines spécialités culinaires comme les scorpions ou le serpent... On ne rit pas aux éclats comme avec les sportifs de Paillar, mais ce voyage vaut quand même le détour.
« Voyage en Chine », Bamboo, 10,60 €

lundi 8 avril 2013

Billet - Sites sensibles et censure d'Etat

Google et Wikipédia, deux mastodontes du net, ne peuvent pas faire n'importe quoi. Dans certains pays, les administrations se montrent plus que réfractaires au partage des informations. L'Inde voit d'un très mauvais œil Google Maps se lancer dans la cartographie précise du sous-continent alors qu'en France, ce sont les services secrets, la DRCI (Direction centrale du Renseignement intérieur) qui obtiennent l'effacement d'une page de l'encyclopédie participative sur une station hertzienne classée secret défense.
Après avoir interdit aux voitures de Google Street de sillonner les villes indiennes, l'Etat dépose plainte contre le géant américain. Pour étoffer son service Google Maps, la multinationale demande aux internautes de publier des informations sur les restaurants, boutiques ou hôpitaux. Illégal décide le gouvernement indien car susceptible de provoquer un risque pour la sécurité du pays : des terroristes pourraient découvrir des informations sur des sites sensibles... 
Même argument pour la DRCI en France contre Wikipédia. La page sur la station hertzienne militaire de Pierre-sur-Haute située dans le Puy-de-Dôme diffuserait des informations militaires classifiées sans autorisation légale. Wikipédia supprime cette entrée. Mais la censure provoque un tel buzz que la page est recréée, traduite... et vue des milliers de fois. En voulant cacher des informations, la DRCI en a involontairement fait la promotion. L'arroseur arrosé...

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Deux détectives

L'une est maigre et taciturne. L'autre volubile et bien en chair. La première s'appelle Brune. La seconde Platine. Cela donne le duo improbable de Brune Platine, détectives privées et héroïnes de cet album de BD écrit par Lisa Mandel et dessiné par Marion Mouse. Platine ne refuse jamais des affaires. Même quand sa collègue est réticente. C'est le cas dans la demande de cette jeune fille à la recherche de son père. Il y a 15 ans, ce médecin a disparu du jour au lendemain. Envolé, avec toutes les économies de la famille. Aujourd'hui, une vieille plaie s'est rouverte et la jeune femme engage ces détectives d'un genre nouveau pour le retrouver. Si Platine travaille beaucoup en restant derrière son bureau, Brune aime aller sur le terrain. Elle va rencontrer les rares connaissances du disparu, explorer par procuration son passé, ses secrets, et remonter jusqu'à un séjour dans un pays des Balkans, quand il était militaire pour l'ONU. Elle s'y rend en compagnie de la cliente. Pour son plus grand malheur. Une histoire noire, de sang et de mort, au final terrifiant.
« Brune Platine », Casterman, 13,95 €

Essai - Les Geeks, bientôt maîtres du monde !

Mine de rien, les Geeks sont devenus les maîtres du monde en quelques décennies. Du moins ils orientent de plus en plus notre présent après avoir fantasmé leur avenir. Mais comment ces boutonneux à lunettes, à la limite de l'autisme, asociaux et timides, ont-ils pu imposer leur univers à l'ensemble de la civilisation occidentale ? « Geek, la revanche », livre de Nicolas Beaujouan (éditions Robert Laffont, parution le 8 avril, 22 euros) donne quelques clés. Pour commencer, les geeks ont créé les nouvelles mythologies, de Tolkien à Star Wars en passant par Lost ou The Big Bang Theory. Leur imagination (Spielberg, Jackson) et leur inventivité (Jobs, Zuckerberg) les ont propulsés au sommet. Célébrité, richesse, réussite : de vilains petits canards ils sont devenus des exemples à suivre. Dans l'essai de  Nicolas Beaujouan, vous découvrirez toutes les facettes d'un phénomène multiple en pleine expansion et la preuve que ce qui a longtemps été considéré comme une « sous-culture » est devenue dominante.
Superbement illustrées, ces 200 pages passionneront ceux qui baignent dedans et étonneront ceux qui sont toujours passés à côté.
Chronique "ça bruisse sur le net" parue samedi en dernière page de l'Indépendant.