Erlendur en vacances, un de ses adjoints, Sigurdur Oli, va mener une difficile enquête dans cette Islande pourrie par l'argent facile.
Ecrit en 2009, ce roman d'Arnaldur Indridason était prémonitoire. Il aborde le problème des taux de crédits irréalistes qui ont plongé le pays dans la faillite. Mais contrairement à la Grèce, les Islandais ont décidé de se remettre seuls en selle, balayant devant leur portes et n'hésitant pas à emprisonner ces banquiers indélicats. C'est un peu grâce à des romans policiers de ce genre que la prise de conscience a eu lieu. A méditer dans tous les pays d'Europe.
Dans le concert des nouveaux auteurs de polars européens, l'Europe du Nord se taille la part du lion, les Suédois mais également les Islandais, notamment Arnaldur Indridason. Il décrit avec un pessimisme rare l'évolution de la société islandaise. Son héros récurrent, Erlendur, de plus en plus découragé, décide de prendre quelques jours de vacances. Il quitte la capitale et se réfugie dans les hauts plateaux, là où la nature règne toujours en maître. Erlendur totalement absent de l'intrigue, l'auteur décide de mettre le focus sur un de ses adjoints, Sigurdur Oli.
Coup de main à un ami d'enfance
En plein divorce, Sigurdur est tiraillé entre sa volonté de respecter scrupuleusement la loi et son dégoût des délinquants. « S'il y avait une chose qu'il n'aimait pas dans son travail, c'était de se montrer courtois avec des rebuts tels que ce Kritjan, de prendre des pincettes avec des types qu'il méprisait profondément et de s'abaisser à leur niveau. (…) Ils n'avaient rien en commun, ce ne serait jamais le cas et ils ne pouvaient simplement pas discuter d'égal à égal. L'un était un multirécidiviste, l'autre un honnête citoyen. »
Libéral déclaré, admirant le modèle américain au point de passer ses nuits à regarder des matches de base ball, Sigurdur doit également supporter sa mère, très autoritaire et son père, malade et trop gentil. Un environnement qui pourrait en faire craquer plus d'un. Mais le flic islandais est solide et tenace. Un peu faible aussi. Quand un de ses amis d'enfance lui demande d'intervenir discrètement dans une affaire de chantage, Sigurdur ne sait pas dire non. Il se rend au domicile d'une femme, une échangiste, bien décidée à rembourser ses dettes en faisant chanter la belle-sœur de l'ami de Sigurdur adepte de ces parties fines. Sur place, le policier découvre la femme le crâne fracassé. Visiblement, il a été précédé par quelqu'un qui a trouvé une solution plus expéditive.
Nature hostile, éléments déchaînés
L'enquête va s'écarter des milieux libertins pour se diriger vers le métier de la victime. Expert-comptable, elle était régulièrement en relation avec des banquiers. Certains de ces « nouveaux Vikings », maniant les millions avec dextérité, profitent à plein des taux d'intérêt ridiculement bas dans leur pays pour lancer des OPA sur nombre de sociétés européennes. Tout viendrait d'une promenade tragique, quelques mois auparavant sur les falaises de Svörtuloft, la muraille de lave. Un homme y a trouvé la mort. Accidentellement selon les secours. « Dès le point du jour, les recherches avaient repris et on avait passé au peigne fin le bord de la muraille de lave en surplomb de la mer. C'était un à-pic vertigineux, l'océan se déchaînait sur la paroi de basalte et le vent soufflait avec une telle violence qu'on peinait à tenir debout. » Les sauvages paysages Islandais occupent une place importante dans ce roman, comme souvent dans l'œuvre d'Arnaldur Indridason.
Nature hostile, hommes refermés sur eux-mêmes... Ce polar au cours sinueux et multiple débute avec la violence d'un torrent pour s'achever avec la force d'un immense fleuve emportant tout sur son passage. Notamment le secteur bancaire du pays.
Michel LITOUT
« La muraille de lave », Arnaldur Indridason, Métailié Noir, 19,50 € (« La rivière noire » vient de sortir en poche chez Points)
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