Deux braqueurs en cavale, aux pouvoirs extraordinaires, sont les héros de ce roman de Maurice G. Dantec, de retour à ses premières amours.
Auteur détesté par certains, vénéré par d'autres, Maurice G. Dantec laisse rarement insensible. Ses rares apparitions publiques sont souvent folkloriques car l'homme n'a pas sa langue dans la poche. Sous des airs de chanteur rock, limite gothique, il aime provoquer les tièdes ou autres politiquement corrects en citant la bible et quantité de théories kabbalistes. Dans ses romans, c'est un peu le même topo. Vous ne trouverez pas de belle envolée lyrique ou de fin optimiste. Ce sera obligatoirement dérangeant et speed. Son nouveau roman au titre étonnamment long (« Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute ») mais se révélant harmonieux et facile à retenir, joue dans la catégorie des textes courts et parfois très terre-à-terre, en opposition avec d'autres productions comme « Cosmos Incorporated », long et très cérébral.
Cap au Sud
Dès la première page on se retrouve dans le feu de l'action. Le braquage d'une poste. Le héros, et narrateur, rempli un sac de billets et prend la fuite dans la voiture conduite par sa compagne, Karen. Le dernier hold-up de la série. Avec le pactole accumulé en quelques mois, ils ont bien l'intention d'aller vivre heureux et tranquilles dans un pays d'Asie du Sud-Est. Maurice G. Dantec va nous raconter par le menu leur cavale à travers l'Europe puis l'Afrique, dans ce futur proche qui nous pend au bout du nez si on n'y prend garde.
Le couple s'est connu dans un centre de rétention. Ils y avaient été enfermés car porteurs d'un neurovirus, supposé dangereux par des autorités sanitaires frileuses. « On ne savait rien du neurovirus qui nous bouffait le cerveau, Karen et moi, mais comme tous les autres malades atteints du syndrome de Schiron-Aldiss, je suppose, on faisait de ces putains de rêves hyperintenses (...), des fois hyperlumineux, extatiques, où on revoit nos ancêtres et nos amis morts, et d'autres fois où c'est les ténèbres, la destruction, le feu, la douleur, la terreur... »
Baston à Abidjan
Armés de fausses cartes d'identités, ils traversent la France puis l'Espagne pour atterrir au Maroc. Là, ils auront affaire avec un flic véreux qui cherchera à leur mettre des bâtons dans les roues. Karen découvrira alors que le neurovirus donne des moyens de tuer tout à fait nouveaux et étonnants. Et de communiquer avec une sorte de « grand tout », chapeauté par un jazzman, Albert Ayler, dont le fantôme hante la station Mir en train de s'enfoncer dans l'atmosphère terrestre, au grand désespoir de l'équipage. L'auteur va en profiter pour placer quelques unes de ses tirades mystiques, sans pour autant négliger la partie action du roman, comme cette baston entre le narrateur et un dealer sur un quai du port d'Abidjan : « J'ai contre-attaqué avec un enchaînement thaïe-boxe de Shaolin, knee kick à la Bruce Lee, avec le talon, juste derrière le genou de sa jambe d'appui – ça lui fait un mal fou et ça l'a stoppé net -, enchaînement direct avec un leading side kick, en plein dans le thorax... » Et cela continue comme cela durant quelques pages.
S'il n'a pas l'ampleur de ses derniers textes, ce roman de Maurice G. Dantec reste un excellent amuse-gueule, comme une gorgée pour goûter à ce grand cru de la littérature française. Si vous avez aimé, rassurez-vous, ses autres titres sont copieux, flamboyants et dantesques. Dans tous les sens du terme.
« Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute », Maurice G. Dantec, Albin Michel, 16 €
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