Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
mercredi 26 novembre 2014
DE CHOSES ET D'AUTRES : Double délit de faciès
mardi 25 novembre 2014
BD : La "Rédemption" du chevalier perdu
Adhémar de Montfort a longtemps été chevalier au service du roi de France. Il a combattu loin de ses terres. Engagé dans la Croisade, il a conquis Jérusalem. Mais cette victoire n'a été que de courte durée. Les soldats chrétiens ont été défaits par les Sarrasins. Durant leur fuite, ils ont commis un nombre incalculable d'exactions. Aujourd'hui Adhémar a oublié le maniement des armes. Il vit misérablement sur une petite ferme dans le Comté du Rouergue. Sa femme est morte en couches et son épée prend la poussière au-dessus de la cheminée. Il tente de survivre malgré ses cauchemars de sang et de mort. Pourtant il va devoir sortir de sa retraite. Les villageois l'embauchent pour les défendre d'une bande de soudards pilleurs. Ils agissent en toute impunité car au nom du pape, pour éradiquer les infidèles cathares. Nicolas Tackian, déjà très actif sur de nombreux supports (TV, cinéma et BD), lance une nouvelle saga historique prometteuse. Le tome 1, qui plante le décor, sert aussi à Adhémar à reconstituer sa petite troupe, deux mercenaires retirés des affaires. Farkas, dessinateur hongrois, assure la mise en images dans un style réaliste très abouti.
« Rédemption » (tome 1), Soleil, 13,95 €
lundi 24 novembre 2014
Cinéma : L'Eden de la French Touch
Dans les années 90, la jeunesse française se passionne pour la musique électro. DJ et musiciens inventent la French Touch. Le film de Mia Hansen-Løve raconte cette épopée.
Film générationnel, “Eden” de Mia Hansen-Løve se déroule du début des années 90 à la fin des années 2000. Un peu moins de 20 ans qui ont révolutionné la scène musicale française. Paul (Félix de Givry) est étudiant en lettres. Il est peu assidu et préfère de loin écumer les rave parties improvisées en région parisienne. Il y écoute de la musique techno, plus spécialement du garage, admire les DJ, expérimente quelques drogues et se forge une culture musicale.
En compagnie de son meilleur ami, Stan (Hugo Conzelmann) il a des envies de duo. Ils mettront des années à concrétiser ce rêve et commencent à être connus sous le nom de « Cheers ». Ils proposent des soirées dans des cabarets ou des boîtes de nuit. Chaque dimanche, on les retrouve durant trois heures sur FG, la radio parisienne dévouée à deux causes : l’homosexualité et la musique techno. Et puis les modes changent, le duo vieillit, tombe dans l’oubli...
Amours compliquées
Sur cette trame véridique, la réalisatrice a utilisé nombre des souvenirs personnels de son frère, Sven, le véritable créateur de Cheers. Surtout, elle a donné un visage, une histoire et une humanité à un jeune homme perdu par ses passions. Eden est avant tout une longue histoire d’amour. Entre un jeune homme et la musique d’un côté et ce même jeune homme et plusieurs femmes qu’il ne parvient pas à retenir. Une romancière américaine en résidence à Paris. Elle le quitte pour devenir la parfaite mère au foyer aux USA. Une jeune DJ, comme lui, mais qui manque cruellement d’humanité.
Et puis il y a Louise (Pauline Étienne). Étudiante en théologie, habituée des soirées, première petite amie de Cyril (Roman Kolinka) le meilleur pote du duo. Paul en tombe amoureux fou. Mais elle semble si distante. Et si amoureuse de Cyril... Les deux se trouveront finalement après bien des errances et des tergiversasions.
Sans prendre plus de place que cela, c’est aussi ce que l’on retient en ressortant de ce film. L’amitié, l’amour, la séparation... On a beau être dans un milieu très branché, consommer des quantités astronomiques de cocaïne, faire des tournées aux USA et avoir des milliers de danseurs déchaînés par la musique que l’on compose ou mixe, on n’en reste pas moins homme. Avec ses faiblesses et ses doutes.
Plus qu’un film sur la musique des années 90, Eden a parfois des documentaires sur la solitude des grandes villes, de l’impossibilité de communiquer, de construire une famille, d’imaginer l’avenir. Un film noir, social, dans lequel nombre de personnes pourraient se reconnaître face à cette valse-hésitation des sentiments. Si en plus vous aimez la musique techno, ce sont deux heures que vous ne devez pas manquer.
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Vous avez dit Daft Punk ?
En racontant l’éclosion de la scène techno française, Mia Mia Hansen-Løve a également tracé les grandes étapes de la carrière de Daft Punk. Dans le film, Paul croise deux jeunes lycéens boutonneux et timides. Ils écument eux aussi les rave parties. Ils ne payent pas de mine mais tout le monde est déjà d’accord pour affirmer qu’ils « produisent un son d’enfer ». Au fil des années, Paul rencontre souvent Thomas (Vincent Lacoste) et Guy-man (Arnaud Azoulay). Il est à la soirée déguisée qu’ils organisent chez eux et où ils diffusent pour la première fois leur morceau fétiche « One more time ». Le film propose ainsi plusieurs passages où on voit leur évolution. Si l’un est décontracté et toujours les cheveux longs, quelles que soient les modes du moment, l’autre se métamorphose, arborant par la suite une longue barbe, comme pour se dissimuler comme quand il joue sur scène, le visage caché par son masque de robot. Cela a cependant quelques inconvénients. Une scène du film les montre à l’entrée d’un club où les Cheers vont mixer. Le physionomiste, intransigeant, leur refuse l’entrée. D’autant qu’ils ne sont pas du tout dans le « Dress-code ». Thomas et Guy-man, avec humilité, acceptent le verdict et s’apprêtent à repartir quand le patron les entraperçoit. Lui, sait que ces deux jeunes qui ne paient pas de mine sont les célèbres Daft Punk que l’on entend sur toutes les radios. Il se précipite, honoré d’une telle visite. De la difficulté de rester incognito quand on est mondialement célèbre...
dimanche 23 novembre 2014
BD : Bajram et Mangin nous font visiter leur cimetière céleste
Denis Bajram et Valérie Mangin ont écrit de concert le scénario de ce diptyque au titre macabre « Expérience mort » mais au contenu plus scientifique et philosophique qu'il n'y paraît. Une riche industrielle, prête à tout pour sauver son fils de la mort, investit des milliards dans la fabrication d'un vaisseau expérimental sensé retenir l'âme du mourant quand il est sur le point d'entrer dans le fameux tunnel blanc décrit par nombre d'hommes et de femmes ayant vécu une expérience de mort imminente. Au début du second tome, rien ne se passe comme prévu. Les scientifiques restés dans notre réalité s'alarment des résultats inquiétant pour les passagers. A l'intérieur, pilote et scientifiques sont au bord de la panique. Les machines, gelées par un froid intense, refusent de fonctionner. Il faut d'urgence trouver une source de chaleur. Dessiné par Jean-Michel Ponzio dans son style habituel de roman photo vectorisé, la BD alterne entre scène techniques dignes d'un space-opera et séquences oniriques plus lumineuses. Avec cependant toujours en fil rouge le questionnement de la mort. Ultime étape ou simple passage ? Les auteurs, grâce à une pirouette astucieuse, concluent cette épopée par une réponse qui, si elle est tirée par les cheveux, permet cependant de faire rêver les amateurs de fantastique.
« Expérience Mort » (tome 2), Ankama, 13,90 €
samedi 22 novembre 2014
DVD : la Balade roumaine de Shia Labeouf dans "Charlie Countryman"
Shia LaBeouf est omniprésent dans “Charlie Countryman”, thriller se déroulant à Bucarest.
Sans être un chef-d’œuvre du cinéma, « Charlie Countryman » confirme le talent de Shia LaBeouf, la beauté d’Evan Rachel Wood et la morgue pleine de charme de Mads Mikkelsen. Sans oublier la ville de Bucarest, l’autre vedette de ce thriller passionnant aussi par son côté « exotique ».
« Charlie Countryman », Sony, 19,99 euros à la FNAC.
vendredi 21 novembre 2014
DE CHOSES ET D'AUTRES : Au bagne !
Dernière idée de Nicolas Dupont-Aignan, leader de Debout la France : créer un Guantanamo national. Et tant qu'à faire dans le symbole, autant rouvrir le bagne de Cayenne pour y emprisonner les apprentis jihadistes !
Il l'a affirmé très sérieusement hier sur Sud Radio. Beaucoup seront tentés de répondre « pourquoi pas ? » Attention, ne nous emballons pas. N'oublions pas, pour les ignares en géographie, Cayenne est est le chef-lieu de la Guyane, département d'outre-mer qui accueille également la base spatiale de Kourou. Embastiller des terroristes à proximité de la pépite de la recherche européenne n'est peut-être pas l'idée du siècle. Entre sabotage et détournement, les évadés potentiels pourraient y trouver matière à réflexion.
Non, quitte à éloigner les jihadistes, autant choisir une destination encore plus éloignée de nos frontières. Pourquoi pas Mururoa ? Cet atoll du Pacifique Sud est désert depuis l'arrêt des essais nucléaires. De plus, en cas d'évasion, les prisonniers seront faciles à retrouver. Inutile de s'embêter avec les bracelets électroniques, un compteur geiger fera l'affaire. Mais des esprits chagrins trouveraient quand même à critiquer : soleil, cocotiers et lagon pour des terroristes, et pourquoi pas le club Med tant qu'on y est !
Reste la solution finale, la dernière extrémité : les Kerguelen. Question éloignement, on ne peut pas faire mieux. Côté climat, rude est un doux éphémisme. Et les évadés devront pagayer longtemps avant d'atteindre une terre ferme. Reste le problème des surveillants, pas sûr qu'ils n'unissent pas leurs forces à celles des condamnés pour échapper à cet enfer.
jeudi 20 novembre 2014
DE CHOSES ET D'AUTRES : Philae, un robot-chien ?
Philae, si l'on met de côté la somme astronomique consacrée à assurer son développement et son envoi sur la comète Tchouri, est une formidable information positive comme on n'en a que trop peu ces derniers temps. D'autant plus que cette incroyable épopée à des millions de kilomètres de notre bonne vieille terre peut satisfaire aussi bien les esprits les plus pointus que les plus futiles ou farfelus.
Moi, par exemple, je décroche très vite à la relation d'expériences scientifiques expliquées par les spécialistes avec des termes dont j'ignorais l'existence. Par contre leur récit par des vulgarisateurs attire toute mon attention.
L'atterrissage d'abord. Philae a littéralement rebondi sur la comète et fait un vol plané de deux heures avant de ricocher et de se caler en équilibre instable contre une paroi rocheuse. Même si on n'a pas d'images, on se représente parfaitement le petit robot en train de se faire chahuter sur cette comète noire et hostile, si loin de ses créateurs et de sa mère nourricière, Rosetta, restée en orbite. Mais une fois stabilisé, il a tiré le maximum de sa position inconfortable. Pour notamment "renifler" des molécules organiques. Car tel un robot-chien, Philae bénéficie de certains sens. S'il est quasi aveugle, son flair est intact ainsi qu'une partie de son toucher puisqu'il a pu effectuer un petit forage. Epuisé, le bon toutou de l'espace s'est couché dans sa niche, cherchant à recouvrer des forces grâce à ses panneaux solaires.
Mais le temps presse car en août 2015, ce même soleil sera fatal à Philae. La comète se situera à moins de 190 millions de kilomètres de l'astre solaire, une proximité fatale pour le robot européen.
Moi, par exemple, je décroche très vite à la relation d'expériences scientifiques expliquées par les spécialistes avec des termes dont j'ignorais l'existence. Par contre leur récit par des vulgarisateurs attire toute mon attention.
L'atterrissage d'abord. Philae a littéralement rebondi sur la comète et fait un vol plané de deux heures avant de ricocher et de se caler en équilibre instable contre une paroi rocheuse. Même si on n'a pas d'images, on se représente parfaitement le petit robot en train de se faire chahuter sur cette comète noire et hostile, si loin de ses créateurs et de sa mère nourricière, Rosetta, restée en orbite. Mais une fois stabilisé, il a tiré le maximum de sa position inconfortable. Pour notamment "renifler" des molécules organiques. Car tel un robot-chien, Philae bénéficie de certains sens. S'il est quasi aveugle, son flair est intact ainsi qu'une partie de son toucher puisqu'il a pu effectuer un petit forage. Epuisé, le bon toutou de l'espace s'est couché dans sa niche, cherchant à recouvrer des forces grâce à ses panneaux solaires.
Mais le temps presse car en août 2015, ce même soleil sera fatal à Philae. La comète se situera à moins de 190 millions de kilomètres de l'astre solaire, une proximité fatale pour le robot européen.
Livre : Rennes contre pétrole
La mer de Barents pourrait devenir le nouvel eldorado des compagnies pétrolières. Mais exploiter l'or noir n'est pas sans danger pour la région.
Le roman d'Olivier Truc, journaliste français installé en Norvège depuis de longues années, débute au détroit du Loup. Il sépare la toundra de l'île de la Baleine. Une zone très prisée pour ses immenses prairies. Pour l'atteindre, les troupeaux composés de centaines de bêtes, doivent se jeter à l'eau et rejoindre la rive malgré les courants. Erik, jeune éleveur, est caché derrière des rochers. Il observe son troupeau. Pour l'instant tout se passe parfaitement « concentrés sur la rive opposée, les rennes nageaient en une longue file indienne qui ressemblait à la pointe d'une flèche. » Mais tout à coup, un homme surgit et leur fait délibérément peur. « Les rennes de tête s'étaient mis à tourner en rond, au milieu du détroit. Une ronde mortelle. Plus les rennes y seraient nombreux, plus le tourbillon généré serait violent. Plus ils risquaient d'être aspirés et de se noyer. » Le jeune Sami tente d'intervenir en barque, mais il est pris dans la panique et meurt englouti dans les eaux glaciales.
Le courage des plongeurs
Un début de roman dramatique au cœur d'une région que les lecteurs du précédent livre d'Olivier Truc, « Le dernier Lapon », commencent à bien connaître. Les traditions des Sami, les tribus autochtones, sont mises à mal par les autorités norvégiennes. Le partage des terres pose problème, celui des richesses de la mer aussi. Car ce polar, après cette mise en bouche naturaliste, se déroule ensuite en grande partie dans le milieu de l'exploitation pétrolière. Des enjeux financiers considérables qui attisent les appétits de certains. Les éleveurs de rennes sont parfois un obstacle au développement. C'est le cas de la ville d'Hammerfest, capitale de l'île de la Baleine et base avancée des prospecteurs. Une île artificielle a déjà vu le jour au large pour exploiter le gaz. Les recherches se poursuivent, à de très grandes profondeurs, grâce au courage des plongeurs.
Ce milieu très particulier est radiographié par l'auteur qui retrouve ses réflexes de journalistes. Mais il parvient également à développer l'intrigue (il y aura d'autres morts violentes) tant policière que personnelle. Notamment la sauvage Nina, fille du Sud, fascinée par le grand Nord et qui aura l'occasion de renouer des liens avec son père, retiré au bout du bout du monde. En plus de la bonne dose de dépaysement, ce roman est aussi (et surtout) prenant par la psychologie des deux personnages récurrents que l'on espère retrouver prochainement dans une nouvelle aventure.
Michel Litout
« Le détroit du Loup », Olivier Truc, Métailié, 19 €
DE CHOSES ET D'AUTRES : "Too manys cooks", la sitcom sans fin
Devenu mondialement célèbre, en moins d'une semaine, avec 3,3 millions de vues, "Too many cooks" (trop de cuisiniers) débute comme un générique de ces séries montrant la vie d'Américains moyens. Un plan sur la maison, proprette, jardin ouvert pelouse fraîchement tondue et drapeau des USA en façade. Puis chaque protagoniste est présenté sur une musique entraînante. Le père en plein travail, la mère qui sort ses cookies du four, les enfants (une adolescente écoute de la musique, un garçon à franges s'exerce aux mini-haltères, une fillette à lunettes révise ses cours) enfin la grand-mère avec le petit dernier sur les genoux. Des scènes de quatre secondes où ils font comme si de rien n'était puis regardent la caméra et sourient alors que leur nom apparaît en incrustation jaune.
On croit que l'épisode va commencer, mais une dizaine d'autres personnages sont présentés. Le chapelet s'égrène sans fin avec même l'arrivée d'un chat en peluche. La séquence dure ainsi plus de 11 minutes et la sitcom change de genre. Style policier : une fliquette sexy et un chef de la police, gros et noir ; science-fiction : aliens à la peau verdâtre, jusqu'à l'arrivée d'un psychopathe, armé d'un grand couteau. Il découpe quantité de personnes puis les cuisine pour en faire un festin. De classique, le générique devient totalement barré et réservé aux adultes.
Ce succès prouve que si la majorité des Américains consomme ces programmes bêtes et affligeants, il en reste quelques-uns à s'en moquer.
mercredi 19 novembre 2014
BD : La fin de la prohibition
Ceux qui pensent lire un roman graphique copieux sur la fin de la prohibition de l'alcool aux USA dans les années 30 en seront pour leur frais. « Legal » de Cédric Gouverneur (scénariste) et Amazing Ameziane (scénario et dessin) est en fait un ouvrage de politique fiction. Les deux auteurs imaginent comment la légalisation du cannabis en France pourrait radicalement transformer notre société. Un nouvel accident vient endeuiller la ville de Nanterre. Après de multiples règlements de comptes entre bandes rivales pour la maitrise du trafic de drogue, c'est un go-fast qui est à l'origine d'une collision. En percutant un bus scolaire, des dizaines de jeunes meurent en victimes collatérales de cette course sans fin à l'approvisionnement. Le maire de gauche, soutenu par l'Élysée, tente une expérience de légalisation du cannabis dans sa commune pour mettre fin au trafic. La BD alterne entre plongée dans les dédales du grand banditisme mondial et les arcanes de la politique locale. C'est parfois très documenté mais aussi passionnant car l'intrigue repose sur le parcours de trois « héros » : une jeune conseillère en communication du maire, un dealer un peu révolutionnaire et un ex-tautard prêt à tout pour s'en sortir et ne pas plonger. Étonnant, mais en refermant le bouquin on se surprend à l'interroger « Pourquoi pas ? »
« Legal », Casterman, 22 €
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