Le premier livre en solo de Nathalie Hug explore les pensées les plus secrètes d'un enfant en quête de père.
Adrien est patient. Il attend. Que sa mère rentre, qu'elle guérisse. Il attend aussi d'avoir un père, lui, le solitaire aux sombres pensées, « L'enfant-rien ». Ce court roman, se lisant d'une traite, comme une longue plongée en apnée, marque les débuts en solo de Nathalie Hug. Elle explique avoir longtemps gardé dans une boite rouge ce conte vieux de dix ans. C'était donc avant sa rencontre avec Jérôme Camut, son homme, sa moitié littéraire avec qui elle a signé des thrillers et romans d'aventures (« Trois fois plus loin », « Les yeux d'Harry » ou « Rémanence » très récemment). On retrouve un peu de son savoir-faire dans ce roman, notamment dans la façon d'amener le coup de théâtre final plongeant le lecteur dans un doute affreux : le rien serait-il plus important que l'enfant ?
La voix d'un gamin
Adrien est le héros, le personnage principal, le narrateur. Un enfant vous parle. Il faut se mettre à sa place pour comprendre. A ce niveau, la performance de Nathalie Hug, son empathie, est remarquable. En lisant ce texte, on entend comme une petite voix dans sa tête racontant ce quotidien qu'il rejette. Car Adrien n'est pas spécialement heureux. Sa mère se laisse aller, zonant sur son canapé, inactive toute la journée. Il ne va pas à l'école, maladie oblige, suivant des cours par correspondance. Il est relié à l'extérieur par Isabelle, sa sœur. Sa demi-sœur exactement car elle, au moins, connaît son père. Ce dernier vient régulièrement la chercher pour des week-ends qui font rêver Adrien. Il espère toujours que ce presque père va le remarquer, qu'il va pouvoir partir avec Isabelle, découvrir cette autre famille. En vain. Il passe alors des week-ends sinistres, amorphe, détestant sa mère, sa dépression et ses secrets.
Un jour pourtant, il part enfin avec le père d'Isabelle. Il va s'installer pour quelques jours chez eux. Contraint et forcé. La mère d'Adrien est à l'hôpital, dans le coma, après avoir été renversée par une camionnette dans la rue. Au début il est content, puis comprend qu'il n'est pas le bienvenu : « C'est sur le perron illuminé, devant cette grande porte de bois sculpté, qu'Isabelle m'a enfin répondu – le fracas de l'averse sur les tôles du garage tout proche couvrait sa voix : Si maman n'avait pas eu cet accident, morpion, tu ne serais jamais venu habiter chez mon père. » Adrien va tout faire pour séduire sa nouvelle famille. Le père d'Isabelle, mais également sa nouvelle femme et le bébé qu'ils viennent d'avoir.
Un besoin d'amour immense
Un bébé qui se révèle finalement être un énorme un obstacle. Tout l'amour paternel est pour lui. Aussi, une nuit, Adrien pénètre dans la chambre du nouveau-né et décide de le tuer, comme pour prendre sa place. Une tentative d'étouffement qui échoue lamentablement. Adrien enrage, « Je soulève le bébé, j'ai envie de le jeter par terre mais je refuse d'en faire un tas de fraises à la crème. » On pense un moment que Nathalie Hug est revenue à ses fondamentaux (peur, angoisse, violence), mais ce n'est qu'une péripétie dans la tête d'un gosse incompris, pas encore assez corrompu pour passer à l'acte. Son besoin d'amour est bien plus grand. Un vide qui ne va que s'accroitre. La vérité sur Adrien, on ne la découvre que dans les trois dernières pages, une conclusion coup de poing qui coupe le souffle et ne peut laisser indifférent.
« L'enfant-rien », Nathalie Hug, Calmann-Lévy, 14,50 €
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