On roule beaucoup dans "Les veuves gigognes", polar signé du Marseillais Philippe Carrese. La première scène se passe au bord d’une rivière, mais très rapidement une voiture va faire irruption dans cette scène bucolique. Une Jaguar venant de défoncer un parapet de cette route de montagne et qui plonge inexorablement vers le vide. Le conducteur, un ancien député de droite, meurt sur le coup. Une mort lourde de conséquence pour nombre de personnes qui ignoraient même son existence. En premier lieu Lucas Rosarian, flic dépressif en disponibilité après le départ de sa femme pour des cieux plus gais. Quand on vient livrer un bouquet de 38 roses à Mme Rosarian, il le prend très mal. Jusqu’à ce qu’il comprenne que ce n’est pas pour sa femme infidèle mais sa mère qui pourtant n’habite plus là depuis quelques années.
Encore plus étonnant la personne qui tient à offrir ce bouquet à sa mère. André-Marie Vilevirain de Saint-Chamons est un aristocrate quadragénaire « à tête de poireau. Au sommet de son crâne d’œuf, une méchante mèche rebelle flotte au gré du petit mistral qui se lève. Elle balaie sa calvitie naissante comme un plumeau monté sur un mécanisme d’essuie-glace. (…) L’aristocrate a le teint pâle, les lèvres fines et les yeux globuleux ».
Maîtresses et euros
André-Marie explique à Lucas qu’il est en service commandé. Son père, récemment décédé, veut qu’il remette 50 000 euros à chacune des « femmes de sa vie ». Car le député, catholique pratiquant très respecté des autorités ecclésiastiques, menait une double vie, collectionnant les aventures et parfois les maîtresses sur de longues périodes. Parmi elles, la mère de Lucas, aujourd’hui à la retraite. C’était il y a 39 ans, quelques temps avant la naissance de Lucas qui tout à coup a un doute sur l’identité de son père et pourrait se retrouver avec un demi frère « à tête de poireau », riche à million roulant en Porsche Cayenne. Il décidera même de suppléer l’aristocrate dans sa recherche des autres femmes de député cavaleur.
Philippe Carrese, avec son style vif et léger, bourré de bons mots et de personnages truculents, entraîne le lecteur dans une folle course poursuite de Marseille à Nice en passant par le Havre et Paris. Le couple formé par Lucas et Jean-Marie va trouver sur son chemin quelques aigrefins appâtés par les liasses de billets à distribuer aux anciennes maîtresses. A moins qu’ils ne cherchent autre chose dans les souvenirs de ce député à la vie en total décalage avec ses convictions politiques. Il y a du San-Antonio dans ce roman, situations, personnages et coups de théâtre défilant à toute vitesse au fil des pages.
« Les veuves gigognes », Philippe Carrese, Fleuve Noir, 19 euros
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