dimanche 27 août 2000

Polar - "Après la pluie" raconté par Frédéric H. Fajardie

Joe Dickman a envie de vivre. De se poser et de profiter un peu de l'existence. Dickman est un ancien combattant. Mais pas un de ceux qui racontent des exploits imaginaires après s'être planqués consciencieusement.

Avec son pote Scarfati ils se sont engagés dans les forces françaises libres en Afrique. Ils étaient de tous les coups. Dans le désert puis en Sardaigne, en Italie, le débarquement en Provence jusqu'en Alle-magne.

Maintenant, bardés de médailles et de reconnaissance ils viennent d'ouvrir une agence de détectives privés. Ils chassent la femme adultère et les truands enrichis au marché noir.

Dickman escorte également les fils de grands bourgeois qui vont déniaiser dans les bras d'une pensionnaire de maison close.


Sauver Lulu de la prostitution 

C'est là que Dickman rencontre Lulu. L'ancien militaire tombe amoureux de la belle et pour conjurer ces années passées frôler la mort décide de la sortir de son milieu pour en faire sa femme.

Mais se racheter une conduite et faire oublier le passé n'est pas chose

aisée, même en cette période trouble de redistribution des cartes.

Frédéric H. Fajardie, sous couvert de roman policier, dépeint avec rigueur et réalisme cette France de l'après-guerre, qui réapprend à vivre avec con-fiance, tout en essayant de démasquer les collabos qui se sont racheté une conduite à quelques heures de la Libération.

Le portrait de Darrigaud, flic pourri qui mange à tous les râteliers, est criant de vérité. Collabo notoire et résistante de la dernière heure, il s'est rempli les poches avec les Allemands et entend bien continuer ses magouilles. Mais on se dit que pour un Darrigaud mis hors circuit par Dickman, il devait en rester dix en service...

 

"Après la pluie", Frédéric H. Fajardie, Folio Policier, 36 F 

SF - Le pouvoir des arts

Dans le futur, la révolution passera par les artistes.


Il vous est certainement arrivé un matin de vous réveiller en vous souvenant parfaitement de votre rêve. Avec un luxe de détail incroyable. Cette fiction, dans laquelle vous êtes acteur ou spectateur, n'est pourtant que le fruit de vos 
pensées. Du virtuel à l'état brut, mais presque palpable. Imaginez maintenant que ce rêve, vous avez la possibilité de le contrôler et d'en faire profiter votre entourage.

« La Bohême et l'ivraie », roman fleuve d'Ayerdhal, utilise ce postulat de départ.


Mélange de sens

Des humains, aux pouvoirs psychiques supérieurs, peuvent projeter de véritables spectacles  directement dans les centres nerveux de leur auditoire. Ylvain est de la race des kineires. Mais il est renvoyé avec perte et fracas de l'école qui les forme. Ses spectacles sont jugés décadents, non conforme à l'éthique de la profession.

Ylvain devra se perfectionner seul, dans des planètes perdues, avant de pouvoir projeter des œuvres de qualité à un auditoire conséquent.

Cet artiste va petit à petit voir sa notoriété croître dans la population. Ses projections sont de plus en plus novatrices, parfaites et occupant l'ensemble des sensations humaines. Il arrive même à mélanger les sens, faisant voir des odeurs ou entendre des couleurs. Rapidement cette célébrité n'est pas au gout des gouvernants qui craignent une propagation d'idées subversives mettant en péril l'équilibre de l'univers. Une meute de tueurs est lancée aux trousses d'Ylvain. Il ne devra son salut qu'aux pouvoirs de ses amies, Made et Ely.

Cette dernière notamment se détourne de l'art pour utiliser violemment son don de projection. Car comme pour toute invention ou nouveauté, un militaire est à l'affût pour la transformer en

arme...

Publiée en 1988 en plusieurs volumes, Ayerdhal voulait depuis longtemps retravailler cette œuvre de jeunesse. Il n'y a pourtant que peu touché, gardant l'esprit d'origine. La faute à ses premiers lecteurs à qui il a demandé conseil. Pour eux transformer « La Bohême et l'ivraie » aurait été contraire à l'éthique.

Reste un formidable roman de science-fiction, hymne à la liberté de vivre et de créer comme on l'entend


"La Bohème et l'ivraie", Ayerdhal, Fleuve Noir, 99 F 

dimanche 20 août 2000

BD - Les " Gnomes de Troy" arrivent, cachez vous !

Lanfeust de Troy aussi a été petit. Après Spirou, Lucky Luke et autre héros ayant suivi une cure de rajeunissement pour gonfler des ventes vieillissantes, le beau Lanfeust aussi sacrifie aux bêtises enfantines.

Une série de gags et d'histoires courtes qui avaient d'abord fait la joie des amateurs du magazine « Lanfeust ». Face au succès remporté auprès des lecteurs, ces histoires grinçantes sont reprises pour la première fois en album. Il y est régulièrement question de sexe, de pipi, de caca et de combats épiques contre des hordes de dragons. Lanfeust, âgé d'une dizaine d'années, ne connaît toujours pas son don. Régulièrement il « pousse » pour le découvrir ; cela n'est pas sans conséquences pour ses fonds de pantalons...

Arleston excelle dans cet humour un peu potache et Tarquin, au dessin, semble prendre beaucoup de plaisir à dessiner ces chenapans jamais en mal de coups foireux. 

"Gnomes de Troy" (tome 1), Soleil, 59 F

BD - "Les ogres" terrifient l'Alaska

Hiram Lowatt, journaliste vedette de « Secrets of nature », accompagné de son fidèle Placido, raconte dans des conférences très courues l'incroyable révolte des objets (voir « Hop-Frog », réédité dans la même collection). 

Leur tournée les conduits en Alaska. Dans les étendues gelées les deux compères sont accueillis par le juge Dunbar. Ils arrivent en pleine révolte des "Cœurs de bête" des indiens qui se cachent sous des peaux d'ours et mangeraient leurs victimes humaines. Le Glouton, chef des sauvages, est pourtant beaucoup plus éduqué que la moyenne des pionniers. Lowatt rencontre également en Alaska la belle Miss Norton. Elle venait voir son frère, mais il est mort, mangé par les cœurs de bêtes. Dans une ambiance angoissante où la peur est derrière chaque arbre, Lowatt se doute que la vérité est plus complexe.

Cet album de David B. et Blain est un petit bijou, certainement le meilleur de la jeune collection Poisson Pilote. 

"Les ogres", Dargaud, 59 F 

BD - Jeannette Pointu au pays des pixels

L'intrépide Jeannette Pointu se frotte à l'univers des jeux vidéo. Contactée par la multinationale Giga Méga Star, elle a pour mission de tester la nouvelle génération des jeux vidéo. Exit l'écran. Le joueur, grâce à une combinaison et des salles adaptées, participe avec tout son corps. Agréable quand Jeannette se trouve sur une plage de sable chaud. Beaucoup moins quand elle se fait attaquer par des monstres volants.

Cela se compliquera encore plus dans un jeu de bataille spatiale. Un terroriste a détourné le logiciel et la guerre virtuelle devient très réelle.

Wasterlain féminise de plus en plus son héroïne au minois de plus en plus craquant. Elle n'en perd cependant pas son caractère bien trempé, fonceuse et peu émotive. Elle reviendra de son escapade virtuelle avec une charmante bestiole, un choupitchou ressemblant comme deux gouttes d'eau à un pokémon, qui devrait devenir la mascotte de la série. 

"Jeannette Pointu" (tome 15), Dupuis, 49,90 F


(Chronique parue en août 2000 dans la page livres de Centre Presse Aveyron

BD - "Le magicien de Brooklyn", nouvelle aventure de Victor Sackville


Victor Sackville, l'espion de George V, quitte le fog de Londres pour les lumières de New York. Il est chargé par ses chefs d'enquêter sur le meurtre d'un magicien dans sa loge. Il se fait donc passer pour un agent anglais en quête de nouveaux talents et écume les cabarets de music-halls de Brooklyn. Il retrouve la charmante Gladys Cooper qui brûle les planche new-yorkaises. Sackville croise également le chemin du mystérieux Olaf Magnus. Magicien mais également hypnotiseur il agit dans l'ombre, manipulant un adolescent pour effectuer ses basses œuvres.

Des coulisses aux docks en passant par les restaurants à la mode, le lecteur se balade dans un New-York des années 20 parfaitement reconstitué par Francis Carin. Le scénario, signé Borile et Rivière, laisse suffisamment de points dans l'ombre pour donner fortement envie de lire la suite. Mais ce sera pour dans quelques mois... 

"Victor Sackville" (tome 15), Le Lombard, 59 francs

Polar - "Dracula fait maigre", polar de Stuart Kaminsky chez 10/18

Tobie Peters, le héros de Stuart Kaminsky, vole au secours de Bela Lugosi.


Faire original dans le polar n'est pas toujours chose aisée.

Plus que toute autre forme de littérature il existe des règles bien précises, une sorte de dogme incontournable. Pourtant certains auteurs arrivent à trouver le petit plus qui fait que l'intrigue étant ce qu'elle est, ces fameux a-côtés font du roman une perle rare.


Adorateurs de vampires

Quand Stuart Kaminsky, Américain passionné par le cinéma, décide d'écrire un polar, il plante son héros, Toby Peters, dans le milieu des grands studios des années 40. Et pour faire plus vrai encore, il fait intervenir des véritables personnages dans ses romans.

Après Gary Cooper, les frères Marx, Mae West et Howard Hugues, Toby

Peters est contacté par deux célébrités du moment : Bela Lugosi et William Faulkner. Le premier, trop marqué par son interprétation de Dracula, ne cachetonne plus que dans des séries B de vampires ou de médecins sadiques. Pourtant il reçoit des lettres de menaces. Un club d'adorateurs du vampirisme semble héberger ce frappadingue de la succion globulaire. Mais au même moment l'avocat de William Faulkner, célèbre écrivain qui est venu à Hollywood superviser l'adaptation de ses derniers succès, demande à Toby de disculper son client. Faulkner aurait assassiné l'agent des plus grandes vedettes de Los Angeles. Bien evidemment, pour Toby, privé éternellement fauché, ces deux affaires d'un coup sont une aubaine. Mais il aura quand même quelques difficultés à mener les deux enquêtes de front.


Blessures

Heureusement pour lui les deux énigmes vont petit à petit s'imbriquer l'une dans l'autre et devenir très complémentaires. Mais ce ne sera pas sans casse. Sa voiture y passe presque, son genou complètement, son dos finit en marmelade et sa tête devra faire face à une myriade de coups, par devant comme par derrière.

Deux tiers de roman policier, un tiers de documentaire sur les mœurs des studios hollywoodiens, "Dracula fait maigre" se lit à plusieurs niveaux, comme les enquêtes de Toby Peters.


"Dracula fait maigre", Stuart Kaminsky, 10/18


(Chronique parue initialement en août 2000 dans la page Livres de Centre Presse Aveyron)