lundi 31 juillet 2023

Cinéma - “Les ombres persanes” et son couple en double

Un thriller iranien de Mani Haghighi sur la rencontre de deux couples de sosies. 


Magistral thriller psychologique que ce film iranien de Mani Haghighi. Dans un Téhéran crépusculaire, noyé sous une pluie battante incessante, une femme croit devenir folle. Farzaneh (Taraneh Alidoosti), monitrice d’auto-école, voit son mari Jalal (Navid Mohammadzadeh) prendre un bus. Elle décide de le suivre et découvre qu’il se rend dans un immeuble.

De la rue, elle le voit à la fenêtre en pleine conversation avec une autre femme. Le lendemain, elle lui demande des explications. Mais il prétend ne jamais avoir pris ce bus. Il se rend à cette adresse et la porte s’ouvre sur une femme, Bita, qui est le sosie parfait, quasiment le clone, de son épouse. Cette dernière est, elle aussi, éberluée car l’homme qui vient de sonner est la copie conforme de son mari, Mohsen.

L’histoire prend alors un tour quasi fantastique. Farzaneh doute de sa santé mentale, Jalal tombe sous le charme de Bita qui lui rappelle tant sa femme quand elle était plus jeune, Bita est sensible à la gentillesse de ce dernier, sa délicatesse. Reste Mohsen, jaloux et violent. Il sera le dernier à être mis au courant. Pris dans une précédente affaire de violence au travail, il ne comprend pas cette situation, comme si son honneur était une nouvelle fois mis à l’épreuve.
Le scénario, subtil, toujours surprenant, jamais dans la facilité, permet à ces Ombres persanes de toucher à l’universalité. Et malgré une interprétation impeccable des deux comédiens iraniens, c’est l’œuvre idéale pour être adaptée par des scénaristes hollywoodiens (quand ils ne seront plus en grève…) pour devenir un immense succès à l’international.

Film de Mani Haghighi avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh

 

dimanche 30 juillet 2023

Cinéma - “The first slam dunk” ou le basket, école de la vie

Film d’animation japonais de Takehiko Inoue



Sorti au Japon au même moment qu’Avatar 2, The first slam dunk, film d’animation de Takehiko Inoue, tiré de son propre manga, a réalisé l’exploit de battre à plate couture au box office le film pourtant tant attendu de James Cameron. Il est vrai que la BD, omniprésente depuis des décennies, fait partie des mangas les plus vendus au Pays du Soleil levant. En France, c’est au cœur de l’été que ce film d’animation sort. Deux heures qui enchanteront les fans (les 31 tomes sont disponibles chez Kana) et d’une façon plus générale, les amateurs de basket. 

Le film se concentre sur le parcours de Ryota. Gamin, il est petit et pas forcément très bon. Il tente de ressembler à son grand frère, âgé de trois ans et très fort. C’est pour lui rendre hommage que Ryota va élever son niveau de jeu, se muscler et devenir un meneur d’exception. Le film raconte, en grande partie, la finale du championnat des lycées entre l’équipe de Ryota, Shohoku, et celle du lycée de Sannoh, imbattable depuis des années. Tous les points sont filmés, avec une technique d’animation visiblement basée sur de véritables prises de vue. 

Entre les différentes phases de jeu, le spectateur découvre comment Ryota est parvenu à ce niveau, malgré un complexe d’infériorité fort. Jamais il ne se sent à sa place. Comme s’il usurpait l’identité de son frère, le surdoué du rebond. Pourtant, malgré les difficultés (harcèlement, culpabilité, déracinement…), le jeune basketteur parvient à se hisser au plus haut niveau et c’est lui qui a le destin de son équipe en mains lors de cette finale. 

Impossible de ne pas se laisser prendre au jeu, de plonger dans le suspense de la partie, grâce à une bande-son rock du meilleur effet. 

Cinéma - La Justice devient folle dans “Sur la branche”

Une avocate zinzin s’associe à un avocat dépressif. Un tandem explosif au menu de cette comédie déjantée de Marie Garel-Weiss portant sur la folie ordinaire.


Mimi (Daphné Patakia) souffre d’une maladie psychiatrique grave. C’est la version politiquement correcte. En réalité, Mimi est complètement zinzin. Pas folle à lier, mais sacrément dérangée. Sur l’autoroute, elle roule à 50 km/h pour ne pas risquer de se laisser griser par la vitesse. Quand elle est trop émue, immanquablement, elle en vient à penser au sexe. Une seule solution pour s’en sortir : céder à la tentation. Elle aime ranger les choses, s’oublier dans des tâches répétitives et croire qu’elle tombe amoureuse au moindre coup de téléphone d’un inconnu.

Mimi vient tout juste de sortir d’un long séjour en clinique psy. Normalement, elle aurait dû faire un stage d’insertion aux espaces verts d’un parc de la ville. Mais comme elle est avocate (même si elle n’a jamais eu l’occasion d’exercer…), elle postule dans un cabinet. Maître Claire Bloch (Agnès Jaoui) voudrait s’en débarrasser, mais son étrangeté lui donne l’idée de l’utiliser pour récupérer un dossier important chez son associé et ancien mari, Paul (Benoît Poelvoorde). Ce dernier, en plein burn-out, ne veut plus sortir de chez lui. Et ne plus voir personne. Il risque une radiation du barreau, après avoir escroqué quelques clients. Il a pourtant longtemps été un grand avocat, capable de faire « pleurer un procureur ». Contre toute attente, Mimi parvient à récupérer le dossier et se retrouve presque embauchée. Elle va devenir l’assistante officieuse de Paul, dénichant une affaire de vol de livre rare au fin fond de la Bretagne profonde.

Une comédie avec du fond 

Sur la branche, second long-métrage de Marie Garel-Weiss après La fête est finie, débute sur les chapeaux de roues. Le personnage de Mimi, déjanté, charmant et parfois inquiétant, apporte tout son sel à cette réalisation qui semble être une pure comédie. L’arrivée de Benoît Poelvoorde change un peu la donne. Blessé moralement, déprimé, il apporte un peu de profondeur dans un film qui, finalement, parle essentiellement de folie et de notre perception des différences des autres.


La suite, entre enquête policière, film d’action, et grande évasion surprend. Mais, reste Mimi dans toute sa folie et démesure, parfaitement incarnée par une Daphné Patakia (déjà vue dans la série OVNI(s) sur Canal + et le film Benedetta de Paul Verhoeven) particulièrement douée.

Film de Marie Garel-Weiss avec Daphné Patakia, Benoît Poelvoorde, Agnès Jaoui, Raphaël Quenard
 

samedi 29 juillet 2023

Cinéma - Chacun cherche son deuil “Sous le tapis”

Le premier film de la comédienne Camille Japy a des airs de comédie noire, mais c’est une jolie réflexion, finalement très positive, sur le deuil et les façons de le transcender.


Odile (Ariane Ascaride) est impatiente. Cette mère de famille, aujourd’hui à la retraite et deux fois grand-mère, se réjouit d’accueillir dans sa maison, à la campagne, ses deux enfants pour fêter son anniversaire le soir même. Mais alors qu’il est dans la chambre en train se préparer, Alain, le mari, meurt d’une crise cardiaque. Odile, paniquée, tente d’appeler les secours. Mais une fois qu’elle est certaine que son mari vient de rendre son dernier souffle, elle prend la décision de glisser le corps sous le lit. Comme pour ne plus voir cette horrible réalité qui va forcément gâcher cette soirée. 

Les spectateurs, dans la confidence, voient donc arriver le reste de la famille joyeuse et enjouée. La fille, Sylvie (Bérénice Béjo), mère de deux enfants et qui arrive avec un nouveau compagnon, Mathieu (Stéphane Brel). Le fils, Lucas (Thomas Scimeca), éternel célibataire mais qui semble très amoureux de Clara (Marilou Aussilloux). Un début de film très rythmé, avec des portraits bien brossés. On trouve rapidement ridicule Mathieu, obnubilé par sa participation à la course cycliste de son entreprise. Par contre, on ne peut qu’être sous le charme de la douce folie du personnage de Clara interprétée avec un naturel enthousiaste par Marilou Aussilloux, la jeune comédienne originaire de Narbonne, déjà remarquée dans la série Netflix La Révolution (elle y avait le premier rôle féminin) ou le dernier film de Dupontel, Adieu les cons. Les retrouvailles familiales sont joyeuses. Seul problème, l’absence d’Alain. 


Odile se met alors à mentir à ses enfants (une dispute, il est sorti…), incapable d’admettre que cet anniversaire marque aussi le début de sa vie de veuve. Un réalisateur paresseux aurait étiré le quiproquo sur les trois-quarts du film. Mais Camille Japy a choisi de donner beaucoup plus de sens et de profondeur à sa première réalisation. 

Quand tout le monde découvre le cadavre caché sous le lit, les réactions diffèrent. Il y a le deuil digne, notamment de Sylvie qui devient, du jour au lendemain, la référence de la famille ; le déni de deuil par Odile, qui refusera que les pompes funèbres emportent la dépouille de son mari, traumatisée des années auparavant par un décès qui l’a durement ébranlée ; le deuil floral et végétal des enfants, pas encore apeurés par la mort ou encore le deuil festif de Clara et Lucas, toujours prompts à trouver le bon côté des choses, même les plus tristes. 

L’ensemble apparaît un peu désordonné, mais la fin, résolument positive, pourrait presque être proposée en option par les services funéraires.

Film de Camille Japy avec Ariane Ascaride, Bérénice Bejo, Thomas Scimeca, Marilou Aussilloux

En blu-ray : formidables années 70 rééditées par StudioCanal


Trois nouveaux titres pour la collection des années 70 lancée par StudioCanal. Une décennie trop souvent oubliée par les amateurs. Pourtant c’est du très bon cinéma qui est exhumé dans ces blu-ray de copies restaurées.

Ne manquez pas dans le trio le très étonnant Ursule et Grelu de Serge Korber avec Annie Girardot et Bernard Fresson. Sorti en 1973, ce film avec pas mal de chansons entraînantes est une satire au vitriol de la société française de l’époque.

On retrouve, par exemple, Roland Dubillard en homosexuel distingué ou Romain Bouteille en mendiant motorisé. Une pépite d’humour décalé.

Sont également sortis en blu-ray La cage avec Lino Ventura et Le secret avec Jean-Louis Trintignant, Marlène Jobert et Philippe Noiret.

vendredi 28 juillet 2023

DVD - “Le jeu” des perdants


On ne se méfie jamais assez de nos smartphones. Ils sont devenus, au fil des ans, les gardiens de nos pires secrets. Fred Cavayé en a tiré un film, Le jeu (Studiocanal), que l’on pourrait qualifier de vicieux tant une bande d’amis va constater combien il est risqué de partager ses communications. 

Chez Marie et Vincent (Bérénice Béjo et Stéphane de Groodt), des amis d’enfance viennent dîner en toute décontraction. Jusqu’à ce que soit lancé ce jeu malsain : chacun met son téléphone au milieu de la table et répond publiquement aux messages ou appels. Un véritable jeu de massacre au cours duquel chacun va laisser entrevoir ses failles, défauts, compromissions ou tromperies. 

C’est enjoué au début, plus dramatique et triste à la fin. Encore une fois, méfiez-vous des smartphones !

Revue BD - Métal Hurlant, 7e livraison

Retour réussi pour Métal Hurlant. Devenue trimestrielle, la revue de SF offre dans son 7e numéro 20 histoires courtes inédites sous une couverture horrifique.

Des auteurs confirmés (Stéphane Levallois, Corbeyran) et d’autres en devenir. Côté rédactionnel, on saluera le retour du Mange-Livres, critique littéraire lancée à l’époque par Dionnet. (Les Humanoïdes Associés, 19,95 €)

Polar régional - La Catalane de retour au pays


Pas toujours facile de revenir au pays. Victoire, flic à Paris depuis quelques années, revient dans son pays catalan natal. L’arrivée de cette boxeuse, hargneuse et déterminée, imaginée par Éric Dupuis (lui-même ancien policier et heureux retraité dans les Pyrénées-Orientales), ne va pas passer inaperçue. D’autant qu’elle se retrouve mêlée à une découverte macabre dans l’église de Millas.

L’intrigue passera aussi par Vinça. Des lieux que les lecteurs de la région connaissent bien. C’est là tout l’intérêt de ce polar nerveux : permettre aux lecteurs locaux de visualiser les décors. Intrigue tortueuse à souhait pour le 10e titre de cet auteur qui a débuté par raconter son Nord natal. 

« La catalane » d’Éric Dupuis, Cairn, 13 €

jeudi 27 juillet 2023

Cinéma - « Petit Jésus », un film miracle né dans la région

Tourné dans les Pyrénées-Orientales et l’Aude, le premier film de Julien Rigoulot est rafraîchissant et positif. Quand tout va mal, un petit miracle est toujours le bienvenu.

Pour son premier long-métrage, Julien Rigoulot, essentiellement connu pour avoir réalisé nombre de clips musicaux, a puisé dans sa propre expérience. Père divorcé, il a vu son monde s’écrouler, personnel et professionnel. Quand tout semble contre vous, on espère un miracle pour rebondir. Jean (Antoine Bertrand), double du réalisateur dans le film Petit Jésus, est dans une mauvaise passe. En instance de divorce, il survit en faisant des petits boulots, comme promeneur de chiens. 

Ce mercredi, il doit assurer la garde de son fils, Loulou (Esteban Azuara Eymard) tout en promenant sa petite meute. Dans la garrigue des Pyrénées-Orientales, où le film a été tourné en grande partie, un chien s’échappe. Traverse une route, rencontre les pneus d’une voiture. C’est un cadavre que Jean ramène aux propriétaires. Mais un cadavre finalement bien vivant. Grâce à Loulou. Il a caressé le chien et lui a insufflé la vie. Un miracle, selon Jean qui se rend compte dans la vie de tous les jours du pouvoir de son gamin. La tentation est grande pour Jean de profiter de ce don pour se sortir de toutes ses galères.

 Il est conforté dans ce choix, peu respectable et encore moins chrétien, par son père (Gérard Darmon), viel escroc un peu mythomane, qui vit aux crochets de Jean. Vont intervenir dans ce plan très aléatoire un curé qui veut un peu trop y croire et un avocat, plus ami de Jean que professionnel à son service. 

Cette gentille comédie, portée par la bonhomie québécoise d’Antoine Bertrand et l’espièglerie d’Esteban Azuara Eymard, aborde sans prétention la problématique de la foi et de ses supposés pouvoirs quand on est au fond du trou. On rit souvent aux facéties du curé (Bruno Sanches) ou de celles de l’avocat très borderline (Youssef Hadji). Quant à Jean, on suit son aveuglement un peu interloqué, mais tout en ayant quelques doutes, car si l’on ouvre un peu les yeux, on s’aperçoit qu’en fait, les petits miracles du quotidien sont légion. 

Enfin, ce premier film vaut aussi le détour dans une semaine dominée par la sortie mastodonte de Mission Impossible par les paysages de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, parfaitement mis en valeur par le réalisateur. Que cela soit sur les étangs de Sigean, le bord de mer, la garrigue ou le site des orgues d’Ille-sur-Têt, c’est une bonne promotion de la diversité environnementale de la région.   

Film de Julien Rigoulot avec Antoine Bertrand, Esteban Azuara Eymard, Gérard Darmon.

mercredi 26 juillet 2023

Cinéma - « Le Retour » familial


Film social sur l’accomplissement de la famille, Le retour de Catherine Corsini est un brûlot mettant en opposition deux mondes que tout oppose, le prolétariat d’origine immigrée en provenance de banlieue à la haute bourgeoisie, pétrie de bons sentiments de gauche mais première à afficher condescendance envers « ses » pauvres tout en faisant le maximum pour figer la situation. 

Le fait que l’action se passe en Corse, l’été, ne fait qu’ajouter le côté brûlant et urgent du sujet de société encore plus d’actualité de nos jours que du temps des premières escarmouches entre ces deux planètes que tout éloigne. 

Le retour c’est celui de Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna) dans l’île où sont nées ses deux filles, Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou). Il y a quinze ans, elle a littéralement fui son foyer pour refaire sa vie en région parisienne. Assistante maternelle au service d’un couple aisé, elle est sollicitée pour s’occuper des trois jeunes enfants du couple durant leurs vacances dans une superbe maison qui domine un paysage de rêve. Les ados sont invitées aussi. Elles traînent sur la plage du camping où elles sont hébergées. Jessica, brillante, prépare Science-Po.

 Farah, provocatrice et bercée par les paroles du rap, traîne sans but si ce n’est de voler quelques sacs et un pain de cannabis pour le revendre à la sauvette sur la plage. Le début du film se concentre sur la vie des jeunes. Mais petit à petit le passé revient sur le devant de la scène. On découvre les failles de la mère, les raisons de sa fuite, son mal-être, ses mensonges répétés pour protéger ses filles. Une décomposition familiale inéluctable, comme si les liens entre ces trois femmes pourtant unies malgré leurs différences, fondaient littéralement au soleil cuisant de la Corse. 

Et quand la problématique de classes s’invite dans ce jeu de chamboule tout, le trio explose. 

Un film d’une efficacité et d’un réalisme absolus. Porté par l’interprétation d’un trio magique. Très étonnant qu’il n’ait pas reçu, ex æquo, le prix d’interprétation féminine, tant cette prestation d’ensemble est aboutie.

« Le retour », film de Catherine Corsini avec Aïssatou Diallo Sagna, Suzy Bemba, Esther Gohourou