mercredi 16 mars 2016

Cinéma : L'humanitaire tire la corde dans "A perfect day"

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Une équipe d'humanitaires cherche une corde dans un pays qui se relève d'une longue guerre civile. « A perfect day » de Fernando León de Aranoa est joyeusement kafkaïen.


Il est gros. Il est mort. Il empoisonne toute la région. Un cadavre est découvert dans un des derniers puits d'eau potable de cette région des Balkans. Nous sommes en Bosnie en 1995. Un groupe d'humanitaires est chargé de résoudre le problème. Si le cadavre reste trop longtemps dans l'eau, elle sera contaminée. Il faut dont l'extraire du puits. Un 4X4, un treuil et une corde devraient suffire. Mais la corde, qui en a déjà beaucoup vu, casse. Dans ce pays où règne l'anarchie la plus totale, une corde devient un enjeu sanitaire essentiel.
Sur cette quête toute symbolique, le réalisateur espagnol Fernando León de Aranoa plaque une histoire entre rires et émotion. Ils sont quatre dans cette équipe d'expatriés animés de si nobles intentions.
Française naïve
Quatre mais pas souvent d'accord. Heureusement la corde leur permet de reprendre le droit chemin. Manbru (Benicio del Toro) est le chef, le responsable de la sécurité. Dans une semaine il rejoint sa femme à Porto Rico. Il est usé, désespéré, dégoûté. Il se démène pourtant pour trouver cette fichue corde et sauver ce puits. Il fait équipe avec B (Tim Robbins). Plus de nom ni d'illusions. Ce vieux de la vieille des interventions extérieures semble fou. Il fait simplement appel à l'humour pour tenter de sauver ce qu'il reste d'humanité dans cette région dévastée. Sophie (Mélanie Thierry) vient d'arriver. Experte en hydraulique, elle sait que le temps est compté. Mais cette jeune Française n'est pas encore prête à voir les horreurs de la guerre. Le "gros du puits" est son premier cadavre... Damir (Fedja Stukan) est l'interprète. Il traduit les paroles mais aussi tous les non-dits de la région. Comme cette anecdote quand, dans une épicerie, on refuse de vendre une corde à B sous le prétexte qu'elle est réservée... pour une pendaison.
Les quatre croisent la route de prisonniers politiques sur le point d'être exécutés, d'un gamin qui se fait voler un ballon de foot ou une vieille paysanne qui, malgré les avertissements des militaires étrangers chargés du maintien de la paix, traverse un champ de mines avec ses quatre vaches faméliques.
Tourné en Bosnie, ce film oscille sans cesse entre rire salvateur et horreur d'une humanité en guerre. L'armée des Nations Unies est au passage éreintée par sa lourdeur procédurière. Certes les Casques Bleus sont utiles, mais assez peu réactifs. Dans ce paysage assez noir, plein de déception et de désillusion, on constate amer que parfois les humanitaires ne servent pas à grand-chose. Si ce n'est à déboucher des latrines bouchées.
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Tim Robbins de toute sa grandeur
del toro,bosnie,robbinsEntre road movie et film de guerre, "A perfect day" (Un jour comme un autre, en français) bénéficie d'une distribution très internationale. Deux grandes stars américaines, Benicio del Toro et Tim Robbins, côtoient les beautés françaises que sont Mélanie Thierry et Olga Kurylenko. La première, jeune et naïve, croit à sa mission. La seconde, devenue contrôleuse, s'est muée en bureaucrate qui ne sert qu'à réaliser des économies en temps de crise. L'opposition entre deux conceptions de l'humanitaire, l'autre guerre au sein de ce milieu souvent démuni face à l'ampleur de la tâche.
Tous les acteurs sont excellents, mais il faut donner une mention spéciale à Tim Robbins, l'interprète de B. Ce géant aux cheveux blancs, sous ses fausses allures de militaire baroudeur, cache un cœur d'or. Il ne tient plus que par l'adrénaline. Sa première scène, au volant face à une vache morte, pourrait devenir culte. L'animal est placé là pour obliger les voitures à le contourner. Et rouler sur les mines vicieusement placées. Alors, à droite ou à gauche ? 'Tout droit' répond Tim Robbins qui fonce pied au plancher sous les hurlements de Mélanie craingant l'explosion à tout moment. B est fou. B est marrant. B est dangereux. B représente toute l'humanité à lui tout seul. Tim Robbins est B.

mardi 15 mars 2016

BD : Frissonnez en bikini sur un atoll

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La BD aussi aime s'aventurer dans le genre gore de la série B. Les effets spéciaux, parfois très coûteux sur pellicule, sont d'une simplicité enfantine sur papier. Il suffit que le dessinateur ait beaucoup d'imagination et un bon coup de crayon. Chance, Katou, à la réalisation graphique de « Bikini Atoll » sur un scénario de Christophe Bec, a les deux qualités en réserve. Très imaginatif quand il doit dessiner des monstres marins ou des mutants dégénérés adeptes du cannibalisme. Joli coup de crayon quand il dessine les courbes peu vêtues de touristes, potentielle réserve de chair fraîche...
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Un groupe de touristes se paye un voyage sur les traces des premiers essais atomiques américains. Sur un voilier luxueux, en compagnie de deux guides, sept personnes vont notamment faire de la plongée sous-marine. Première frayeur pour l'une des jolies naïades quand elle croise un requin gigantesque près d'une épave. Cela continue sur l'atoll de Bikini, transformé en île déserte réservée à quelques touristes. Pas si déserte que cela. Et le seul habitant n'aime pas être dérangé. D'un autre côté, il est bien content de ces visites impromptues adéquates pour garnir son garde-manger. Sur 130 pages denses et en noir et blanc, les deux auteurs font monter la tension et l'horreur. Le groupe se réduit au fur et à mesure de la colère du monstre. Mais comme dans toute bonne série Z, il y a des survivants. Essayez de deviner qui, en début d'ouvrage. Un exercice plaisant pour mieux décortiquer l'intrigue. Dans la même collection intitulée « Flesh Bones », deux autres titres de la même veine viennent de paraître : « Le signe » de Thirault et Garcia, une histoire de sort et de superstition et « Sonar » de Runberg et Chee Yand Ong, autre aventure de monstre marin, dans la Méditerranée cette fois.
« Bikini Atoll », Glénat, collection Flesh Bones, 14,95 euros

lundi 14 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Trump ou Sanders ?

Aux USA, les politiques ont le sens du spectacle. Les primaires, tant chez les Démocrates que chez les Républicains s'apparentent à une sorte de "Dallas" revisité, avec son lot de rebondissements, coups de théâtre et autres trahisons.
Pour la première fois, ce feuilleton-réalité se permet une incursion du genre action après les incidents violents de Chicago. La faute à Donald Trump qui, s'il avait vécu au temps de la conquête de l'Ouest, aurait eu le verbe haut et la gâchette facile. Son programme, ouvertement raciste et anti-immigrés, déchaîne les passions. Ses opposants se manifestent trop bruyamment ? Trump demande à ses partisans de "cogner" sur ces importuns. Lui-même, en plein discours, avoue avoir envie de "frapper au visage" les perturbateurs.
Le milliardaire pousse le bouchon encore plus loin en assurant qu'il prendrait en charge les frais d'avocats des militants poursuivis. Il voudrait mettre le pays à feu et à sang qu'il ne s'y prendrait pas autrement.
En face, Bernie Sanders, celui que Trump qualifie de "communiste", tente de rattraper son retard sur Hillary Clinton. Paradoxe, malgré ses idées très à gauche, les plus pauvres - Noirs et Hispaniques - ne lui accordent pas leur soutien.
S'il accomplit l'exploit de battre l'ancienne première dame au cours des primaires démocrates, les électeurs américains, le 8 novembre, se retrouveront face au choix des extrêmes. Un peu comme si en France, le second tour de la présidentielle opposait Marine Le Pen à Olivier Besancenot. Un sacré scénario qui changerait du trop prévisible remake de "Sarkozy vs Hollande".

BD : Humour juif et familial

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Son trait réaliste et précis, toujours composé avec force et vigueur, donne une vision exacte de son quotidien : Asaf Hanuka nous plonge au cœur de la vie d'un dessinateur israélien vivant à Tel Aviv. Dessinateur mais également mari d'une épouse aussi active que lui et père de deux enfants qu'il tente, tant bien que mal, de protéger de la violence permanente de cette nation en perpétuelle guerre depuis sa création. Cette centaine de planches, entre désespoir, humour juif et tendresse familiale, raconte les nuits dans les abris quand les roquettes tombent, les questions sans fin de la petite dernière ou les tâches ménagères, parfois partagées, souvent délaissées par ce grand gamin en perpétuel doute. Asaf Hanuka, loin d'avoir une position définitive et arrêtée sur ce qui se passe dans cette région du monde, est en permanence partagé entre son envie de vivre en paix et la nécessité de se protéger, d'anticiper ces attentats.
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Il raconte notamment la psychose qui s'est installée depuis quelques mois partout dans le pays après les attaques au couteau. Et sa dernière planche sera une référence au 13 novembre. Ou comment la BD, avec finesse et intelligence, replace ces événements dans un contexte international encore plus angoissant.
« K.O. À Tel Aviv » (tome 3), Steinkis, 18 euros

dimanche 13 mars 2016

Thriller : Le faux coupable découvre le bonheur

Dominique, chômeur résigné et héros de ce roman d'Élodie Geffray, préfère la prison à l'indifférence.
silence, peine, geffray, belfondLe désespoir pousse certains à faire de leur vie un véritable cauchemar. Dominique est l'exemple de ces hommes ou femmes, timides et mal dans leur peau, broyés par un système où seuls les forts en gueule parviennent à émerger. Ce paisible Parisien a toujours vécu dans l'ombre. Sans faire de vague, discret, invisible. Un travail lui permettait un minimum de reconnaissance sociale. Quand il se retrouve au chômage, crise économique aidant, il tombe vite dans une spirale infernale. Sans ressources, il est de plus en plus exclu, ostracisé. Son grand défaut, dans la novlangue de Pôle Emploi : il n'est pas assez « proactif ». Encore faut-il qu'il comprenne ce que cela veut dire. Élodie Geffray, dont c'est le premier roman, décrit longuement dans les premiers chapitres la non-vie de ce quinquagénaire mis prématurément sur la touche. Il est au bord du suicide quand il est abordé par un certain Ivan, homme à tout faire d'un ministre de la République. Il lui propose un drôle de marché, un peu comme dans l'histoire de Faust. Si Dominique endosse la responsabilité d'un meurtre, il pourra faire durant trois mois ce qu'il a toujours rêvé de réaliser.
Le fils du ministre
Ensuite ce sera une dizaine d'années derrière les barreaux et un joli pactole à la sortie pour finir ses jours en toute tranquillité. Acculé, désespéré, Dominique accepte car « rien n'avait plus de sens pour lui et la prison était déjà son quotidien. Comment appeler autrement les barreaux que sont la solitude, la pauvreté et la timidité lorsque la société vous a mis au rebut ? » Son rêve : passer ces trois mois dans une ferme loin de tout. Découvrir la vie simple à la campagne. Avec Ivan pour escorte et chaperon, il prend ses quartiers dans une exploitation de province tenue par Martine. Il va découvrir le silence, le réveil matinal pour traire les brebis, la confection des fromages, le travail de la terre dans un potager, le plaisir de cuisiner ses propres légumes. Aussi la compréhension de Martine, gentille paysanne, elle aussi fracassée par la vie mais qui a envie de retenter sa chance.
Le roman, sous des airs de parenthèse bucolique, est un vrai thriller. Il y a bien un meurtre. Une jeune fille massacrée par Nicolas, le fils du ministre. Ivan a fait disparaître le corps. Le temps de mieux connaître Dominique, le faux coupable qui sera donné en pâture à la presse. Mais un commissaire enquête, soupçonne rapidement le jeune Nicolas. Ivan, à la manœuvre, va tenter de désamorcer le scandale. Il y parviendra. Seul problème, Dominique, de plus en plus heureux dans cette ferme auprès d'une Martine tombée sous le charme de sa simplicité, ne veut plus endosser le rôle du coupable. S'il s'est libéré de sa prison personnelle, ce n'est pas pour en rejoindre une autre. Mais peut-on reprendre sa signature après avoir signé un pacte avec le diable ? Élodie Geffray signe un polar malin et original dans lequel elle a soigné, en profondeur, toutes les personnalités des divers protagonistes.
« Et le silence sera ta peine » d'Élodie Geffray. Belfond. 18 euros

samedi 12 mars 2016

BD : Orphelins manipulés

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Déjà publiée en Italie sous forme de fascicules mensuels, la série de SF 'Orphelins', écrite par Mammucari et Recchioni est publiée à un rythme intensif dans la collection 'comics' de chez Glénat. Déjà le troisième tome intitulé 'Le revenant'. Si les deux créateurs sont toujours aux manettes, ils ont délégué dessin et couleurs à des auteurs se coulant dans le style de l'épisode pilote. Le principe est toujours le même. Une première partie raconte le recrutement d'orphelins par l'armée pour les transformer en soldats d'élite. Le gouvernement planétaire en a besoin car les deux tiers de la population viennent d'être décimés par une attaque extra-terrestre. Ces enfants sont des cobayes parfaits car perdus et sans famille. Des amitiés se nouent au fil des épreuves. Des inimitiés aussi. La seconde partie de l'album se déroule sur la planète des aliens agressifs. Les enfants sont devenus des soldats impitoyables, prêts à tout pour détruire les ennemis, ceux qui ont tué leurs familles. Mais au gré des batailles contre ces sortes d'insectes en cristal, des anomalies sont relevées par certains membres des commandos. Et de bons soldats obéissants, certains vont se transformer en sceptiques, persuadés d'avoir été manipulés. Passionnant et beaucoup plus dense que ce que la trame initiale laissait envisager, 'Orphelins' se poursuit avec un album tous les deux mois.
"Orphelins" (tome 3), Glénat, 14,95 euros

vendredi 11 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Très cher nu

Erin Andrews pèse aujourd'hui 55 millions de dollars. Non, la journaliste américaine de Fox Sports, n'a pas coché les six bons chiffres du loto. Mais c'est tout comme, après avoir gagné son procès contre un hôtel et un paparazzi improvisé. 55 millions de dollars, soit les indemnités accordées par le juge.
Cette jolie blonde, qui en 2008 travaillait pour la chaîne de sport ESPN, est filmée évoluant nue dans sa chambre. Le voyeur soudoie un employé de l'hôtel où la jeune femme réside, obtient le numéro de sa chambre et demande à emménager dans la chambre juste à côté. Le réceptionniste accepte sans poser de question. Du balcon, le vidéaste d'occasion réalise un petit film de cinq minutes qu'il diffuse sur internet dans la foulée.
A l'issue d'une longue bataille judiciaire où la journaliste attaque le "cinéaste" mais aussi l'hôtel, elle touche le jackpot. Pas évident que le voyeur n'ait les moyens de payer l'amende, par contre la grande chaîne d'hôtel déboursera la moitié de la somme, soit près de 28 millions de dollars. Une nuitée fort peu rentable.
Décidément, mieux vaut éviter de descendre dans certains hôtels aux USA. Chacun se souvient des "indélicatesses" de Dominique Strauss-Kahn. L'affaire a également été portée devant la justice, un arrangement financier a cependant permis d'éviter le procès. Dans les deux cas, on ne peut que déplorer l'attitude de ces hommes sans scrupule.

Cinéma : De l'inconfort d'être raisonnable

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François Damiens risque de sombrer dans la folie dans "Des nouvelles de la planète Mars", un film de Dominik Moll sur notre société contemporaine aseptisée à l'extrême.


Les nuits de Philippe Mars (François Damiens) sont plus belles que ses journées. Cet informaticien, qui code 10 heures par jour, la nuit venue, rêve qu'il est astronaute. Il flotte dans l'espace, voit sa ville illuminée la nuit, se rapproche de l'immeuble impersonnel où il habite. Il est sur le point de se voir en train de dormir, le top en matière de rêve guidé quand son téléphone sonne. C'est sa femme qui à 5 heures du matin, vient lui déposer les affaires de leurs deux enfants, Sarah et Grégoire. Séparés, ils ont gardé de bons rapports. Pratique pour l'ancienne épouse qui peut ainsi mener sa carrière de journaliste en toute tranquillité. Dans son entreprise, Philippe est l'élément compétent sur qui on peut toujours s'appuyer. De plus il ne dit jamais non. Quand son boss lui demande d'aller superviser un projet qui fait du surplace, il rechigne mais accepte finalement. Comme toujours.
Oreille coupée
Phillipe va devoir "chaperonner" Jérôme (Vincent Macaigne), très compétent mais légèrement asocial. Totalement l'inverse de lui. Jérôme fait tout dans l'excès, au travail comme dans sa vie privée. Résultat il se sent martyrisé et déprécié. Comme souvent dans les grandes sociétés, le terreau fertile des psychoses de Jérôme se transforme en violent burn-out. Il lance un hachoir à viande sur le boss. Ce dernier l'évite. Pas l'oreille de Philippe. Après une opération de "raccommodage" au cours de laquelle il croit discuter avec ses parents morts depuis un an, Philippe est de nouveau réveillé en pleine nuit. Cette fois c'est Jérôme qui, après s'être échappé de l'asile psychiatrique, lui demande de l'héberger pour une nuit. Tout le film repose sur la personnalité si raisonnable de Philippe. Il tente de dire non mais au final se fait toujours avoir. Soit par faiblesse, soit par le fait accompli. Quand sa sœur lui demande de garder durant une semaine son petit chien, il est ferme : pas question. Alors elle part, résignée, mais laisse l'animal dans l'entrée, persuadée que Philippe, trop bon trop con, s'en occupera malgré tout. Et c'est ce qu'il fait. Jusqu'à sa rencontre avec Chloé (Veerle Baetens, déjà vue dans "Alabama Monroe"), presque petite amie de Jérôme, phobique mais qui n'a pas sa langue dans la poche. Une comparaison va faire prendre conscience à Philippe de l'enfermement dans lequel il se maintient volontairement en refusant tout excès ou dérogation à la norme. Le film devient alors une sorte de brûlot révolutionnaire light et Philippe découvre la vie. Tout simplement.
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François Damiens, tant de chemin parcouru
mol,damiens,mars,macaigneQu'il semble loin le temps des caméras cachées de François l'Embrouille. Pourtant si François Damiens a percé en France, c'est avant tout dans ce genre très compliqué des caméras invisibles. Belge plein de toupet, il a frôlé le pire dans ses "performances" où il devenait souvent odieux et dégueulasse. Après avoir piégé ses compatriotes, il s'exporte en France pour Canal +. Il décide également, de piéger quelques célébrités. Une sorte de carte de visite qui a rapidement mis la puce à l'oreille de certains réalisateurs. Mais au début, on ne lui demande de ne faire que du François l'Embrouille. Il multiplie les personnages caricaturaux, râleurs et désagréables. Le sommet sera sans doute son interprétation de paysan-photographe de charme dans "Dikkenek", film belge culte où il se fait "carjacker" en plein Bruxelles. Mais Damiens a un fort potentiel dramatique. Sous ses airs de méchant grognon se cache un véritable comédien. Il sort des sentiers battus dans "L'arnacoeur" en jouant le copain de Romain Duris. Plus récemment il devient émouvant dans "Les Cow-boys", film sur un père qui fait tout pour tenter de sauver sa fille partie faire le djihad. C'est ce François Damiens que Dominik Moll a souhaité. Papa un peu dépassé, employé modèle, citoyen exemplaire, il ne sait pas dire non. Un grand naïf très sympathique. Jérôme (Vincent Macaigne) a failli couper l'oreille de Philippe (François Damiens) avec un hachoir, en plein open space.

jeudi 10 mars 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Frères et sœurs Wachowski

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L'affaire est complexe et me laisse perplexe. Un peu comme leur film le plus célèbre, Matrix. Les frères Larry et Andy Wachowski sont devenus les sœurs Lana et Lilly Wachowski.
Dans la famille Wachowski, il y avait deux frères et deux sœurs. Les frères, passionnés de bande dessinée, étudient le cinéma et ont rapidement révolutionné l'univers de la science-fiction avec Matrix. Une histoire emberlificotée, à plusieurs niveaux, où l'on croit vivre dans une réalité qui n'est que virtuelle. Réalité, apparence, rejet... Des thèmes qui aujourd'hui prennent une autre signification avec ce double coming-out transgenre.
Lana, la première, annonce officiellement son changement de sexe en 2012, après un processus de près de dix ans. Lilly décide de franchir le pas le 8 mars dernier, journée internationale de la femme, face à l'imminente publication d'articles caricaturaux dans des tabloïds. Dans un communiqué accompagné d'une photo, elle explique : "Ma réalité, c'est que j'ai fait une transition et que je continuerai à le faire toute ma vie, à travers l'infini qui existe entre le masculin et le féminin, à l'image de l'infini entre les binaires zéro et un." Complexe...
Le parcours est long et parfois dangereux. Lors d'un de ses rares discours, Lana a avoué avoir envisagé, enfant, de se suicider à cause de ses sentiments de confusion sur l'identité. Espérons que leur démarche permettra aux milliers de transgenres qui n'arrivent pas à se faire reconnaître, de mieux vivre leur différence.

DVD : Une "Dernière leçon" à fort potentiel émotif

chatelet, bonnaire, pouzadoux, mort, suicide, dernière leçon, wildsidePréparez les mouchoirs. Impossible de rester insensible à cette histoire de fin de vie racontée avec pudeur et sensibilité par Pascale Pouzadoux.
À la base "La dernière leçon" est un livre témoignage écrit par Noëlle Chatelet. La romancière y raconte les derniers jours de sa mère. Une femme forte qui a décidé d'en finir avant qu'il ne soit trop tard. Le problème du choix de la mort dans la dignité est au centre du livre et du film, qui adapte assez fidèlement l'œuvre originale. Il est vrai que Noëlle Chatelet a régulièrement séjourné sur le tournage (on le voit dans la making of proposé en bonus du DVD) et conseillé les acteurs. Les actrices surtout, Sandrine Bonnaire joue le rôle de Diane, la fille, Marthe Villalonga celle de Madeleine, la mère. Le film débute par un constat d'échec. Madeleine, au volant de sa vieille Renault 5, panique dans la circulation urbaine. Incapable de passer les vitesses. Comme paralysée. De retour chez elle, elle prend un carnet et note "Conduire" et le raye rageusement. Ce journal minimaliste liste les actions qu'elle n'est plus en état de réaliser.
À 92 ans, cette féministe convaincu, ancienne sage-femme, est aussi et surtout une tête de mule. Pas question pour elle de finir impotente dans une maison de retraite. Lors de son repas d'anniversaire, en présence de ses deux enfants, Pierre et Diane, et de ses petits-fils, elle donne, solennellement, la date prochaine de son décès. Dans deux mois. Dès lors ses enfants seront partagés. Si Diane envisage petit à petit cette fin inéluctable, comprend sa mère et ses arguments, Pierre refuse cette hypothèse.
Contrairement au livre, les deux avis sont apportés sur ce problème de société. On peut être pour ou contre le droit de mourir dans la dignité. Diane, malgré son chagrin immense, son impression d'être le soldat qui appuie sur la gâchette dans le peloton d'exécution, va laisser le libre choix à sa mère. Un formidable acte de tolérance porté par une Sandrine Bonnaire exceptionnelle. Avec justesse, elle joue cette prise de conscience, cette évolution face à un problème inéluctable.
Marthe Villalonga interprète une femme amoureuse de la vie mais usée par cette dernière. Un beau film, à voir en famille pour en parler tant qu'il est temps.
"La dernière leçon", Wild Side Vidéo, 14,99 euros le DVD