Rien ne sert de culpabiliser sur les supposées erreurs du passé, il faut penser au futur, toujours aller de l’avant. Telle pourrait être, au final, le message à retenir de ce second film de Chad Chenouga parfois inégal mais d’une rare authenticité, en partie inspiré de sa propre enfance.
L’histoire toute simple d’un adolescent en mal de normalité dans une société qui ne fait pas de cadeau aux « déclassés ». Tout est résumé dans son dossier, de l’absence de père au suicide de sa mère. Comment réussir dans la vie avec un tel passif alors que d’autres ont une belle page blanche à la place ? Nassim (Khaled Alouach) est élève dans un lycée parisien. Intégré, heureux, presque amoureux d’Eva (Alexia Quesnel), jeune fille de bonne famille, il dé- cide de passer un week-end avec sa bande. Une sortie qui lui permettra de rompre avec la tristesse de son quotidien. Car chez lui, ce n’est pas la joie. Sa mère (Zineb Triki, lumineuse dans ce rôle court et difficile) est une ancienne junkie. Elle reste enfermée dans son appartement, n’attendant que le retour de son fils pour se précipiter sur les médicaments (antidépresseurs et anxiolytiques) qui lui permettent de rester sur un nuage, loin de la réalité. Quand Nassim rentre, le dimanche soir, il la retrouve morte dans la cuisine.
■ Deux mondes
Après des obsèques expédiées, Nassim refuse d’aller chez sa tante (musulmane très pratiquante) et se retrouve placé dans un foyer. Là il va découvrir un autre monde, celui des « cassos’» comme il dit, jeunes en mal de stabilité. Victimes ou bourreaux. Avec pour seul point commun de ne plus avoir de famille. Nassim est accueilli par Madame Cousin (Yolande Moreau), directrice à quelques mois de la retraite, entre maman de substitution et garde-chiourme intraitable. C’est peu de dire que le jeune garçon ne se sent pas à sa place entre ces loubards en devenir et ces filles futiles (faciles parfois). Alors il s’accroche à son groupe de potes du lycée. Quitte à faire le mur du foyer (avec le risque d’être privé de portable, d’argent et de sorties) pour passer une soirée chez les parents d’Eva. C’est cette dernière qui va découvrir la vérité. Quand elle se rend au foyer, elle est rejetée, insultée, par les autres pensionnaires à cause de ses « habits de bourge ».
Démasqué, Nassim va se couper de ce milieu éduqué et se faire accepter, à force de transgressions, par les autres adolescents du foyer. Le film peut être interprété de multiples manières. Constat que l’on ne peut pas s’en sortir quand on est issu d’un milieu défavorisé. Ou démonstration que rien n’est écrit, et qu’une seule chose importe, choisir sa voie en toute connaissance de cause. Le spectateur se fera sa propre opinion, en fonction de quelques scènes clés, comme la destruction des dossiers, la gifle de Madame Cousin, la bataille de hip-hop ou l’examen raté de Zawady, interprétée par Jisca Kalvanda, totalement métamorphosée après son rôle radicalement opposé de chef de gang dans « Divines ».
La seule certitude, c’est que Nassim quitte le foyer et prend sa vie en main. Quelle qu’elle soit. Mais n’est-ce pas la destinée de toute personne un tant soi peu consciente que la société n’est qu’un théâtre où l’on ne choisit pas son personnage mais où les dialogues sont révisables à l’envie.
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Yolande Moreau, maman à tout faire
. Dans le film de Chad Chenouga elle endosse le costume de la directrice d’un foyer pour mineurs isolés. Madame Cousin, cheveux en pétard, bagues en toc et sourire vrai, a la difficile mission de remplacer la présence maternelle auprès de ces jeunes en perdition, mais sans s’attacher, et encore moins d’être permissive. Car ce qui compte pour elle, comme pour eux, c’est le respect du règlement du foyer. Un apprentissage des règles de la vie, simple et essentiel. Avec Nassim, une relation différente se noue. Elle sait d’où il vient, ce qu’il a vécu, contrairement aux autres pensionnaires. Et qu’il est intelligent, brillant dans ses études. Bref, une pépite dans son foyer plus habituée aux faits divers qu’aux lauriers.
Elle tente de le protéger, mais sans trop le montrer. Comme cet aveu, dans son bureau, quand elle lui dit « Si t’étais moins jeune et moins con, je t’épouserais ». Massive, sans cesse à l’affût, Madame Cousin est un rôle en or pour Yolande Moreau. Elle lui permet d’asseoir son autorité tout en conservant une once de fantaisie. Bref une femme normale, avec de bons et de mauvais côtés. Toute une palette d’émotions et de ressentis compliqués à équilibrer. Un jeu d’enfant pour l’ancienne comédienne de la troupe de Jérôme Deschamps et de Macha Makeieff.
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