dimanche 13 juin 2004

Roman - "Ecrits fantômes" de David Mitchell

Trader à Hongkong, trafiquant de tableau à Saint-Petersbourg ou esprit en Mongolie, les héros de ce roman de David Mitchell sont multiples et variés.


Roman fleuve, roman gigogne, roman planétaire : « Ecrits fantômes » de David Mitchell nous fait faire un tour de la planète et de toute cette humanité qui tente de survivre, de plus en plus difficilement chaque jour. 

De Hongkong à Londres en passant par Saint-Pétersbourg ou les steppes perdues de la Mongolie, ce jeune écrivain anglais ayant longtemps vécu au Japon brosse des portraits très différents les uns des autres mais qui ont pourtant d'infimes points communs. 

Première plongée dans ce monde de folie avec la fuite dans le Japon profond du membre d'une secte. Il vient de répandre dans le métro de Tokyo du gaz sarin provoquant la mort de plusieurs personnes. Mais de son point de vue il n'a fait que "libérer" des âmes égarées. Avec une précision et une logique implacable, l'auteur se met à la place de cet homme endoctriné, fanatique, totalement coupé de la réalité. Quand il découvre à la télévision l'émoi que l'attentat a provoqué dans le pays, il ne panique pas. Au contraire, il est persuadé que les dirigeants de son organisation vont venir le sauver et qu'il deviendra célèbre, ayant participé à la première "purification". 

Autre vie au Japon, beaucoup plus banale, celle d'un jeune vendeur de disques de jazz. Il hésite sur la voie à prendre. Aller travailler dans une maison d'édition, continuer ce job de disquaire, reprendre ses études ou partir avec cette jeune fille qu'il a croisée un jour dans la boutique ? L'amour aura le dernier mot. 

Du trader à l’esprit. Dans l'extrême, David Mitchell propose la vie hyper matérialiste de ce trader anglais travaillant à Hongkong. Il gère des sommes colossales et sous des airs de premier de la classe, il trafique au maximum, blanchissant de l'argent sale en provenance de Russie. Un matin, en partant travailler dans la cohue des costards cravates, il a l'intuition que le jeu est terminé. Il bazarde tout son attirail et part à l'aventure, à la découverte de cette ville qu'il ne connaît pas. Un passage pathétique, qui nous met en condition avant de découvrir la vie, sur plusieurs décennies, d'une Chinoise qui toute sa vie sera agressée, par les notables, les Japonais ou les communistes. Elle restera des années durant dans une hutte à thé, recevant les moines venus en pèlerinages sur cette montagne sacrée. Elle sera également conseillée et protégé par un esprit qui va de corps en corps. 

Un esprit qui se retrouve en Mongolie, recherchant l'origine d'un conte qui l'obsède. Une partie fantastique, déroutante, exemple parfait de l'imagination débordante de l'auteur. 

Mille vies, mille destins. Le lecteur se laisse guider avec un plaisir de plus en plus évident dans ces mondes si différents les uns des autres. Il pourra ainsi découvrir les rêves d'une Lolita russe, maîtresse d'un escroc de haut vol qui ambitionne de voler un tableau de Delacroix dans le musée de Saint-Pétersbourg puis découvrir tous les plaisirs de la vie nocturne branchée londonienne et les doutes d’une chercheuse en physique quantique. Mille vies, mille destins et autant de ramifications possibles entres les récits qui s'imbriquent et se répondent comme des poupées gigognes.  

« Ecrits fantômes », David Mitchell, Editions de l’Olivier, 21 €

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