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samedi 1 novembre 2014

Cinéma : l'amour filial à son paroxysme dans "Vie sauvage" de Cédric Kahn

Librement inspiré de l'histoire de Xavier Fortin et de ses deux fils, en cavale durant onze ans, “Vie sauvage” de Cédric Kahn, tourné en grande partie dans l'Aude entre la Montagne noire et Carcassonne, a la force et la beauté de la nature reine.


Entier. Le caractère de Paco (Mathieu Kassovitz) est entier. Ce père a tout fait pour satisfaire la mère de ses enfants. Rencontrée dans un campement “d’Indiens” comme il y en existe encore quelques-uns dans les Pyrénées, il se marie avec elle sous un arbre, selon un rite très naturaliste. Il adopte son bébé, Thomas, et reprend sa vie de nomade, d’idéaliste en marge de la société. Deux enfants naîtront sur les routes (dans les Cévennes et en Normandie). Deux garçons, Tsali et Okyesa, pour compléter la petite tribu.

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Mais la vie d’errance use. Nora (Céline Sallette), la mère, n’en peut plus de marcher dans la boue et d’avoir froid dans les caravanes embourbées au bout d’un chemin de terre.
La scène d’ouverture du film est d’une tension extrême. Paco prend la voiture pour aller faire quelques courses. Dès qu’il a passé le virage, Nora sort des placards des sacs déjà prêts. Et c’est la fuite. A travers bois, le long des routes, dans un train... Les garçons, qui comprennent ce qui se passe, sont rétifs. Ils tentent de s’échapper. Finalement Nora et ses trois petits embarquent dans un TER et arrivent à destination : la villa cossue de ses parents.

Montagne Noire et sauvage
Paco retrouve rapidement leur trace. Des retrouvailles violentes. La police intervient et un juge confie officiellement la garde des enfants à la mère. Pourquoi ? Demande furibard Paco. Car c’est comme cela. Dans l’attente d’une décision définitive, les enfants sont toujours à la garde de la mère. Un an après, Paco qui vit toujours dans son campement, a fait profil bas. Il récupère ses deux fils pour les vacances scolaires. Mais au lieu de les ramener deux semaines plus tard, il entame une cavale à travers garrigue, bois et vallées. Ils tiendront 11 années dans la clandestinité.
Cédric Kahn, en montant son projet tourné en grande partie dans la Montagne Noire, à Bram et à Carcassonne dans l’Aude, a dû faire des choix pour raconter cette épopée en 1 h 45. Après la séquence d’ouverture, il montre le trio seul dans les bois, se cachant parfois dans des grottes, découvrant cette nature généreuse et parfois sauvage. Un retour aux sources naturaliste, une éducation de la terre nourricière très idéaliste. Une période rose qui dérape dans la dernière partie du film. Les deux garçons sont de grands adolescents. Leur situation s’est stabilisée mais ils sont de plus en plus démangés par cette vie urbaine, pas forcément mieux que la vie sauvage, mais si différente.
Un long-métrage tourné presque comme un documentaire, avec un casting étonnant de vérité. Mention spéciale aux quatre jeunes qui interprètent les enfants de Paco. La seule faiblesse du film (à moins que cela ne soit son plus grand mérite) c’est de ne pas ouvertement choisir son camp. Comme si toute expérience est bonne au final, même si elle implique une très grande souffrance : séparation pour la mère et prison pour le père...


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Trois fois Céline Sallette


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« Vie sauvage » est un film d’hommes. Un père et ses deux fils, liés par une volonté de survivre ensembles malgré les décisions de justice. La place de la mère, relativement ingrate dans cette épopée, est tenue par Céline Sallette. L’actrice révélée dans la série télé « Les revenants » puis le film de François Dupeyron « Mon âme par toi guérie » enchaîne les tournages. A l’affiche du film de Cédric Kahn, elle interprète également l’éducatrice obstinée de « Géronimo », le film de Tony Gatlif. Et en décembre, elle sera la femme du juge marseillais joué par Jean Dujardin dans « La French ». Trois fois à l’affiche en trois mois et presque trois rôles différents dans « Vie sauvage ». Quand elle est jeune, marginale aux longues dreadlocks, sous le charme de Paco le vagabond ; à maturité, mère protectrice qui veut un avenir meilleur pour ses enfants ; puis en mère quasi mystique, priant Dieu pour retrouver le fruit de ses entrailles, déterminée mais plus compréhensive, capable de pardonner. Une formidable performance d’actrice qui prouve l’incroyable potentiel de cette comédienne passée par le théâtre d’Ariane Mnouchkine.

vendredi 11 avril 2014

Cinéma - Cavale familiale sans fin dans "La Belle vie" de Jean Denizot


Le fait divers avait fait les gros titres il y a quelques années. Un père a vécu durant plus de dix ans dans la clandestinité avec ses deux fils après les avoir enlevés à leur mère. Retrouvés par les gendarmes dans une ferme isolée des Pyrénées, les deux garçons ont toujours défendu les choix radicaux d'un papa non conformiste. « La belle vie », film de Jean Denizot s'appuie en partie sur cette histoire vraie. La première partie de son premier long métrage se déroule dans les Pyrénées. Au fond d'une vallée, dans une masure quasi insalubre, ils vivent simplement entre moutons, cheval et ruches. Onze ans qu'ils sont en cavale, déménageant dans l'urgence presque tous les ans. « On vit comme des manouches ! » s'insurge Pierre (Jules Pelissier), l'aîné, 18 ans. Le cadet, Sylvain (Zacharie Chasseriaud), 16 ans, n'est pas encore prêt. Mais l'envie le démange de plus en plus. Le père, Yves (Nicolas Bouchaud), leur a toujours laissé le choix. Ils pouvaient retourner chez leur mère. Mais alors il se livrerait à la police. Et irait en prison. Ce chantage affectif fait souffrir tout le monde mais permet de garder un semblant d'équilibre.

En plein été, les flonflons de la fête du village résonnent au fond de la vallée pyrénéenne. Les deux adolescents, lassés de cette solitude, quittent pour une soirée leur cachette. Cela se passe mal. Pierre n'a aucun savoir-vivre. Encore moins de diplomatie. Bagarre générale au bal. Conséquence, les gendarmes débarquent. Yves et Sylvain ont juste le temps de prendre la fuite avec un balluchon, Pierre, à cheval, s'enfonce dans la montagne. Dans la réalité, cette descente des forces de l'ordre au petit matin a mis un terme à l'affaire Fortin. Dans son film, Jean Denizot imagine une autre fin.

L'amour, toujours
Réfugiés sur une île au milieu d'un fleuve, le père et le fils vont vivre une semaine hors du temps. Sylvain, orphelin de son frère bien-aimé, tombe amoureux de Gilda (Solène Rigot), adolescente paumée et un peu sauvage. L'heure est-elle venue pour Sylvain de voler de ses propres ailes ?
Cette première réalisation de Jean Denizot est d'une grande maîtrise. Il filme avec une belle sensualité les jeux virils des deux frères dans la montagne. Un côté sauvage que l'on retrouve dans la relation naissante entre Sylvain et Gilda. Solène Rigot (déjà vue dans Tonnerre et Lulu Femme nue) est toujours aussi nature. Zacharie Chasseriaud, dans le rôle de Sylvain apporte ce qu'il faut de révolte à cet ado qui découvre la complexité du monde quand il ne se réduit pas à trois personnes...