mercredi 3 septembre 2025

BD - La vie des brebis dans les Pyrénées racontée par leur berger, Maxim Cain


Cirque d’Anglade, Mont-Roch d’Espagne, lac de la Mariole, Bois de la Fourque, pic de l’Arrech… Tous ces lieux aux doux noms pyrénéens, servent de décor au roman graphique en noir et blanc de Maxim Cain, “Démontagner”. En 140 planches, il raconte l’été passé dans la solitude à surveiller les centaines de brebis en estive, avec l’aide de son fidèle compagnon, le chien Finet. 

Entre reportage, journal intime et fiction animalière, la première BD de cet auteur qui depuis dix ans passe ses étés dans la montagne ariégeoise est d’une extraordinaire force, un témoignage précis et circonstancié sur la vie de ces hommes et femmes qui sacrifient plusieurs mois de leur vie chaque année pour permettre à quelques propriétaires de la vallée de récupérer des animaux en bonne santé après leur bombance dans les prairies des hauteurs. Sacrifice car être berger reste un sacerdoce. Même en 2025, avec les nouvelles technologies. Là-haut, vous serez seul la plupart du temps, responsable d’un troupeau fait d’individualités contradictoires. 

D’une façon classique mais efficace, c'est-à-dire chronologiquement, le berger raconte cet été à rallonges qui débute mi-juin et prend fin à la mi-octobre. Une parenthèse, parfois enchantée, trop souvent dure et pénible. Car monter en estive, c’est abandonner tout le confort de notre société moderne de l’opulence. 

La cohue du premier jour

Le premier jour, tous les propriétaires amènent leur troupeau au lieu de rendez-vous. C’est la fameuse transhumance, le départ dans une formidable cohue vers les pâtures perchées dans les hauteurs des Pyrénées. Des centaines de brebis, guidées par les hommes et les chiens, par routes et sentiers. Et puis après une nuit où tous se racontent leurs souvenirs, Maxim se retrouve seul sur le chemin escarpé, avec Finet et des bêtes excitées car pressées de se goinfrer. 

Finet dessiné par Maxim Cain.

Première étape dans un casot en dur. Quelques rencontres avec des randonneurs, mais déjà la solitude, le manque de sociabilisation, la routine pour soigner les bêtes malades, retrouver les égarées, essayer de les compter. Et de longs moments à attendre, lire au début, se lasser, tourner en rond, regarder la vallée avec envie. Maxim Cain montre le quotidien d’un berger en estive. Entre contemplation obligée, tâches harassantes et répétitives, ennui. 

Ce sera plus dur quand il faudra aller encore plus haut pour trouver d’autres prairies. Là où l’ours ou les chiens errants sévissent, attaquent les bêtes affolées. Ce seront des nuits blanches, à craindre les raids. Ou des journées de frayeur, quand les éléments se déchaînent, que les orages frappent au hasard, foudroyant les bêtes. Parfois les hommes. 

Souvent, l’auteur admet qu’il est lassé de ces conditions extrêmes, qu’il songe à arrêter. Même s’il décide de prendre un jeune chiot pour le former, Finet commence à devenir vieux… On comprend aussi qu’il est subjugué par cette beauté brute, sans artifices. On la retrouve dans ses dessins, superbes interprétations de la splendeur des Pyrénées. Et puis il y a la complicité avec le chien, la douceur des brebis, le chagrin face aux pertes. Et tout se termine avec la redescente vers la civilisation, le bruit, la fureur. Le futile aussi. L’occasion pour comprendre la signification du titre : démontagner c’est la transhumance d’automne quand on “quitte la montagne”.    

“Démontagner”, Actes Sud BD, 140 pages, 28 €


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