vendredi 4 juillet 2014

Livre : Dieu trop puissant

Trop de religion peut nuire gravement à la santé mentale. « Nom de Dieu ! », roman de Philippe Grimbert, le démontre avec éclat.

grimbert, nom de dieu, grassetEntre farce et essai philosophique, « Nom de Dieu ! » de Philippe Grimbert se lit comme on suçote lentement une de ces confiseries, sucrées au début, puis devenant très acide pour finalement retrouver la douceur originelle. En découvrant les mésaventures de Baptiste, cadre supérieur dans une fabrique de sucreries, le lecteur passe lui aussi par toute sorte de sensations que l'on peut associer à des goûts. Les premières lignes font presque office de roman social. Heureux, Baptiste a une vie réglée au millimètre. Femme au foyer aimante, enfant brillant à l'école, considération de ses collègues, bénévolat dans une association chrétienne. Son seul problème, c'est le manque de temps. Alors il fait des sacrifices. Notamment dans sa présence à la maison. Quand il ne va pas servir la soupe populaire aux plus démunis, il endosse son costume de clown pour distraire les petits cancéreux de l'hôpital voisin.
Il semble faire don de soi, mais au fond Baptiste est comme les autres. Quand une restructuration est envisagée dans sa société, le directeur des ressources humaines pense immédiatement à lui pour l'annoncer aux condamnés. Sa compassion, sa charité chrétienne, ses mots de réconfort permettent de faire avaler la pilule. Cela lui provoque bien quelques cauchemars, mais il se persuade que si la direction l'a désigné, c'est que Dieu, dans sa grande clairvoyance les a conseillés.

Plaqué et licencié
La seconde partie du roman est moins consensuelle. Dieu, dans un moment de faiblesse sans doute, glisse le nom de Baptiste sur la seconde liste des licenciés économiques pour cause de ventes en baisse (et de délocalisation...). Pour couronner le tout, sa femme, qui s'est entichée de son psychanalyste (profession de l'auteur, il n'y a pas de hasard) met Baptiste à la porte le condamnant à vivoter dans une chambre d'hôtel Formule 1. Le coup de grâce vient de l'hôpital. Pour varier les plaisirs, le directeur a décidé d'embaucher un clown professionnel pour distraire les enfants. Le dernier rayon de soleil de Baptiste vient de s'éteindre.
Incapable de comprendre ce qui lui arrive, Baptiste se persuade que toutes ces déboires sont l'oeuvre du Créateur. Et comme il veut comprendre, il se confectionne une petite caisse en bois, s'habille en clown, se plante devant Notre Dame et pour la plus grande joie des touristes et des médias, se met à invectiver du soir au matin ce maudit Dieu, espérant une réponse ou au moins un signe. C'est la partie la plus acide du roman, la plus décapante. Comme si l'auteur, Philippe Grimbert, avait imaginé un dialogue entre son héros et Dieu en personne. A la différence que Dieu ne semble pas disponible semble faire le sourd. Mais Baptiste ne se fatigue pas. Qui aura le dernier mot ? Vous ne le saurez que dans les dernières pages.
Un roman remarquable par le contraste permanent des situations. Comme dans un numéro de clown, on passe du rire aux larmes, de la farce à la tragédie.
Michel LITOUT

« Nom de Dieu ! », Philippe Grimbert, Grasset, 17 €

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