Grey, le personnage principal de « 50 nuances » est parfait. Dans la vraie vie, les hommes ressemblent plus au Loulou de Rossella Calabrio
La littérature contemporaine pille sans vergogne le net. Exactement, les comités de lectures ne se privent plus de feuilleter des romans qui n'existent que sous forme d'e-book en autoédition. En 2012, le phénomène éditorial mondial a pour titre « Cinquante nuances de Grey » de E. L. James aux éditions Lattès. Des millions d'exemplaires vendus en 12 mois. Mais ce texte sulfureux date en fait de 2011. Il a été mis en vente directement par l'auteur et uniquement en version numérique, sur le site des fans de la trilogie Twilight. Repéré par un éditeur curieux, acheté, c'est le roman-jackpot. Aussi un peu l'arbre qui cache la forêt. Pour un succès, combien de déceptions ?
L'édition traditionnelle gagne également en réactivité à l'image du net. Le best-seller de James à peine imprimé, de multiples parodies font leur apparition sur la toile. Rossella Calabrio, une blogueuse italienne, sent le filon. Les Grey, bêtes de sexe, beaux, attentionnés et romantiques, ne courent pas les rues en Italie. Les hommes normaux sont plutôt tendance Loulou : vantards, sales et très égoïstes (surtout quand ils entendent le mot préliminaires). Elle a donc décliné dans un pastiche hilarant les « 49 nuances de Loulou », publiées en France chez Albin Michel. Moins érotiques que les exploits de Grey, les travers du Loulou font beaucoup rire (surtout vous mesdames).
La perfection contre l'invention
En petit chapitres courts et percutants, cette excellente connaisseuse des choses du sexe décrit minutieusement les travers de l'homo erectus de base. Par exemple, Grey a des paroles qui enchantent les sens de Julie (l'héroïne, la partenaire) « Oh oui, laisse-toi aller... » susurre Grey. Avec Loulou, le laisser aller est d'un tout autre genre : « Dis donc, tu crois pas que tu te laisses aller ? » interroge-t-il en fixant « la petite banane de graisse qui surmonte le pubis de sa Julie ». Le best-seller de James a une réputation sulfureuse. Il est vrai que certains passages sont dignes des textes ayant fait la réputation du « bondage », technique de sado-masochisme très en vogue le siècle dernier. La comparaison de Rossella Calabrio touche juste : « Monsieur Grey aime attacher sa belle aux montants du lit pour être aux commandes. Le Loulou aime s'attacher au canapé pour être à la télécommande. »
On pourrait croire que la critique est virulente, définitive. Qu'il n'y a pas photo. Pourtant on devine au fil des pages une véritable tendresse pour le Loulou. La maladresse congénitale pendant l'acte du Loulou casse un peu le charme et la plénitude de la chose quand elle est parfaitement maîtrisé par un expert en galipettes, mais « avec Monsieur Grey, la Julie n'aurait pas ri aux larmes comme elle l'a fait avec son Loulou. » Finalement, l'auteur fait comprendre aux femmes que Grey c'est bien, mais cela manque quand même de surprise. La perfection lasse. Avec Loulou, vous serez toujours étonné.
Et voilà comment les deux plus gros succès éditoriaux de ces derniers mois viennent d'un e-book et d'un recueil de notes de blog.
Michel Litout
« Quarante-neuf nuances de Loulou », Rossella Calabro, Albin Michel, 12 €
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