lundi 30 juillet 2007

Roman - Bon appétit monsieur le critique !

Quand un critique gastronomique sans le sou a des idées et des relations géniales, cela donne un roman se dégustant comme un plat dans un quatre étoiles.


Sortez votre bavoir, pourléchez-vous les babines, affûtez vos papilles : ce roman de Pierre Rival, se déroulant entièrement dans le milieu de la grande gastronomie française et internationale est un véritable délice. Il a ce brin de folie qui de plus en plus fait tout le sel de la grande cuisine actuelle.

Paul Rebell est critique de restaurants. Un beau métier où il faut avoir du coffre et un solide estomac. A l'abri du besoin, il vit beaucoup plus des largesses de sa femme, banquière, que des revenus de ses écrits. Quand son épouse décide de le quitter, il se retrouve rapidement dans une situation financière délicate. Mais cette péripétie n'est là que pour mettre un peu de suspense dans ce roman destiné essentiellement à dévoiler les coulisses de la vie d'un critique gastronomique. Pierre Rival sait de quoi il parle puisqu'il fréquente les plus grands restaurants du monde entier depuis des années.

Il raconte donc comment son héros va de table en table, goûtant à ce qui se fait de mieux, ne vivant que pour cette excellence, de plus en plus chère, de plus en plus rare. Un livre bourré d'anecdotes comme ce repas d'un couple dans un célèbre établissement. La dame décide du menu : pour son mari ce sera salade de carottes, veau aux carottes et en dessert un gâteau aux carottes. Explication de la cliente au maître d'hôtel interloqué : « Vous comprenez, monsieur baise comme un lapin, alors il mange comme un lapin ! »

Goût neutre et tête de veau

Paul Rebell pour s'en sortir va devoir composer avec sa banquière. Pas son ex-femme, mais la simple employée, peu sensible aux découverts, même s'ils sont provoqués par l'achat de vins ou de whiskies exceptionnels. Un passage du livre très réussi. Le critique est persuadé que la jeune femme, pourtant moderne et très dans le vent, ne saura pas résister au luxe d'un dîner dans un palace. Il a besoin d'elle pour obtenir un prêt permettant de créer une société sur le net pour donner à rêver aux fortunés. Accompagné de son fils, il organise un repas d'affaires qui se termine dans la suite présidentielle. Où comment faire croire à une petite employée de banque qu'elle aussi peut profiter de certains privilèges... Il y a beaucoup de cynisme dans ces scènes, mais c'est souvent comme cela que fonctionne ce milieu.

Pour preuve, la société de Paul Rebell, Alimentation générale, propose au client de passer une soirée dans le saint des saints, une cuisine d'un grand restaurant, pourvoir connaître les secrets de fabrication, discuter avec les chefs, s'approcher de la légende. Rebell profite de ses connaissances pour proposer des soirées inoubliables à de riches héritières.

Parmi ces clientes, une veuve chinoise désireuse de découvrir « l'ultime expérience gastronomique française ». Le critique va organiser la dégustation d'ortolans, petits oiseaux strictement protégés. Difficile de ne pas saliver en lisant cet extrait « Le jus de l'ortolan jaillit comme une flaque de soleil sus sa langue, les os craquèrent comme des bâtonnets d'encens sous ses dents, et de toute cette bouillie de jour et de nuit il sentit que l'âme du passereau, après avoir longuement infusé, communiait enfin avec la sienne. A cet instant précis, il ne faisait plus qu'un avec l'oiseau mythique. »

Il séduira la veuve, ira vivre à Hong Kong, découvrira le goût du neutre et sombrera dans une dépression redoutable ne se nourrissant plus que de pâtes à l'eau ou de riz blanc. Il ne devra son salut qu'à son plat préféré : la tête de veau sauce tortue, tout un roman...

« Alimentation générale », Pierre Rival, Flammarion, 14 € 

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