samedi 9 avril 2022

De choses et d’autres - Le crypto-paradis

Si vous trouvez que l’atmosphère en Europe et même en France devient difficile à supporter, si vous avez des envies d’évasion et de tropiques, dites-vous qu’il y a de l’espoir ailleurs. Encore faut-il que votre portefeuille soit confortablement garni de cryptomonnaie.

D’ici quelques mois, une île de l’archipel du Vanuatu dans le Pacifique sud va devenir un petit paradis réservé aux investisseurs de ces monnaies qui font fi des états. Lataro, îlot désertique de quelques kilomètres carrés a été entièrement acheté par une société qui l’a renommé Satochi Island. Satoshi comme Satoshi Nakamoto, le créateur du Bitcoin.

L’île a pour vocation de devenir la capitale mondiale des cryptomonnaies. Un premier tour de table a été lancé et 50 000 investisseurs, selon la société, ont décidé de soutenir le projet. Sur place, pas d’argent liquide. Tout se paiera en cryptomonnaie. Des habitations modernes seront construites et ce qui n’est pour l’instant qu’une forêt vierge, se transformera en petit paradis touristique. Forcément, cela fait rêver. Mais attention, beaucoup pensent que Satoshi Island restera à l’état de projet.

D’autres initiatives de ce style se sont révélées être au mieux des rêves irréalisables, au pire de savantes escroqueries. Alors avant de transformer votre livret A en Bitcoin (s’il est plein cela représente… 0,5 bitcoin), attendez au moins de savoir s’il y aura l’eau courante et l’électricité sur place.

Sans oublier le tout à l’égout. Vous savez, ces choses parfois plus utiles que l’argent et qui malheureusement ne fonctionnent pas du tout en mode virtuel.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 4 avril 2022

vendredi 8 avril 2022

DVD - "La chair et le sang", film culte


Avant d’affoler Hollywood avec ses grands films spectaculaires, provocateurs ou novateurs et aux millions d’entrées (Robocop, Basic Instinct, Starship Troopers…),  le réalisateur hollandais Paul Verhoeven envoyait des coups de latte dans les valseuses de la vieille Europe. Son dernier film exclusivement hollandais, Le quatrième homme, flirtait avec le fantastique. Une œuvre majeure qui lui permet de signer enfin pour une production plus ambitieuse.  Son dernier film européen (entièrement tourné en Espagne avec des capitaux américains) avant l’exil fut en 1985 La chair et le sang, une épopée médiévale sulfureuse et jubilatoire, sale et sublime. 

Considéré par de nombreux spécialiste comme le plus réussi des films historiques de cette période, l’histoire de ce mercenaire, anarchiste avant l’heure, est devenue une œuvre culte. L’occasion pour ceux qui ont raté ce morceau d’anthologie de l’œuvre de Paul Verhoeven de se replonger dans cet univers baroque avec la sortie d’une copie remastérisée chez Carlotta Vidéo. 

Une troupe de mercenaires menée par le charismatique Martin (Rutger Hauer) est engagée par le seigneur Arnolfini pour l’aider à reprendre possession de son fief. En échange, il leur permet de faire main basse sur sa ville vingt-quatre heures durant. Mais Arnolfini ne respecte pas sa promesse et chasse la bande, qui jure de se venger. Pendant ce temps, le seigneur fait venir la jeune Agnès (Jennifer Jason Leigh) qu’il destine à son fils Steven. Le jour de leur rencontre, les mercenaires attaquent le convoi. Restée cachée, Agnès se retrouve aux mains de la terrible bande de Martin. La suite est d’une rare violence. Agnès est violée par Martin, mais une étrange complicité va se nouer entre eux. Les mercenaires vont trouver refuge dans un château et tenter de vivre une sorte d’expérience communautaire, entre anarchisme et communisme, loin de la religion. Dans ce film noir et sanglant, il n’est question que de survie mais qu’elle passe par la violence, la séduction ou la science, la morale y est étrangère. 

Cette nouvelle édition offre en bonus un commentaire audio de Paul Verhoeven, le film d’une rencontre avec le cinéaste (22 minutes), un entretien avec Gérard Soeteman, le scénariste, et un reportage sur Basil Poledouris, compositeur de la bande originale.

De choses et d’autres - Reconquête, pas coquette !

Mieux vaut en rire. Même si en définitive cette péripétie indirecte de la campagne électorale peut aussi donner envie de pleurer, et pire encore, pousser des électeurs désespérés à faire l’impasse sur une élection définitivement au ras des pâquerettes.

Dans le département de l’Ardèche, le tout nouveau parti d’Éric Zemmour, Reconquête, a décidé d’exclure deux de ses responsables : Francine et Didier Floch. Le couple a été rattrapé par son passé dans le monde de la pornographie. Car Francine Floch a longtemps été connue des spécialistes sous le pseudonyme de Joséphine de l’île Maurice. Simple chanteuse dans son île d’origine dans l’océan Indien, en France elle a tourné dans une quarantaine de films X, tous réalisés par son mari, Didier.

Forcément ce passé sulfureux dans le sexe est mal passé auprès des instances nationales d’un parti qui met la famille au premier rang de ses préoccupations. L’exclusion semblait inévitable. Dans Reconquête il n’y a pas coquette.

Grosse colère donc des évincés qui espéraient représenter le parti aux prochaines législatives. Francine avait déjà tenté, en 2007, d’obtenir une investiture. Mais pour l’UMP à l’époque. Elle n’a pas été retenue, sans raison officielle, mais elle suppute que son métier de l’époque (actrice porno) a pesé dans la balance. Elle a donc tenté de repartir à la conquête de la circonscription avec l’étiquette Reconquête. Encore un coup pour rien.

Sauf si toute cette tragicomédie avait pour but de se faire un peu de pub à moindre frais.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 2 avril 2022

jeudi 7 avril 2022

Série télé - Vin et Catalogne au centre des « Héritiers de la terre »


Grosse production espagnole tournée en Catalogne, la série Les héritiers de la terre vient de débarquer sur Netflix. Huit épisodes qui sont une suite de La cathédrale de la mer. L’ensemble est tiré des romans d’Ildefonso Falcones. Dans cette seconde saison, on retrouve au début de l’histoire le personnage principal d’Arnau Estanyol. Mais rapidement l’intrigue va se concentrer sur le destin de Hugo Llor (Yon Gonzalez, photo ci-dessus). 

Hugo, orphelin, est protégé par Arnau. Mais ce dernier voit la vengeance de Puig le rattraper à l’occasion du changement de roi. C’est la fin dramatique de la première série. Hugo devient dès lors le personnage principal des Héritiers. Abandonné, recherché, il est caché par la communauté juive de Barcelone. Finalement il va aller s’occuper des vignes et deviendra un expert en vinification. C’est l’intérêt de la double intrigue de la série. D’un côté les déboires de Hugo, toujours persécuté par les Puig dont il cherche lui aussi à se venger, et son succès dans le monde du vin. 

Par certains côtés, Les héritiers de la terre fait office de documentaire sur la fabrication et l’amélioration du vin durant ce XIIIe siècle.  La série permet aussi faire à moindres frais un véritable voyage en Catalogne. Temporel et géographique.  La série est presque exclusivement tournée dans des décors naturels comme Peralada, Monells, Peratallada, Santa Coloma, Badalona, Tortosa… 

Sans oublier les vignobles et certaines rues de la capitale catalane qui ont servi de décor, de même que la plage.

 

De choses et d’autres - Égalité parfaite

Dans les bizarreries des résultats du premier tour de l’élection présidentielle, le vote dans la commune de Leménil-Mitry en Meurthe-et-Moselle décroche le pompon. Toute petite entité ne comptant que quatre inscrits sur les listes électorales, la participation de 75 % a provoqué une arrivée ex æquo digne de la grande époque de l’école des fans de Jacques Martin.

Dans ce village où tout le monde doit se connaître, personne n’est d’accord. En dehors de l’électeur qui a boudé l’urne mise à sa disposition, dimanche dernier, les trois autres ont choisi trois candidats différents. Une voix pour Macron, une autre vers Le Pen et la dernière à destination de Zemmour. Résultat: ils ont tous recueilli 33,33 % des suffrages exprimés. Impossible de faire une commune plus divisée.

Se pose, désormais, la question du second tour. L’électeur de Zemmour va-t-il rejoindre Le Pen qui pourrait ainsi prendre le dessus (localement) sur le président sortant ? Mais que va faire l’abstentionniste ? S’il apporte son soutien au candidat de La République en Marche, on pourrait, dès lors, assister à une nouvelle égalité parfaite. Je ne doute pas que les sondeurs, observateurs politiques et autres experts de la chose politique, vont placer Leménil-Mitry en bonne place dans la liste des bureaux tests.

Pas la peine d’attendre 19 h et les premières tendances (venues de l’étranger) ou 20 heures et l’annonce officielle : il suffira de savoir comment ont voté les quatre électeurs de la commune de Meurthe-et-Moselle pour connaître le nom du locataire de l’Élysée pour les cinq prochaines années.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 16 avril 2022

mercredi 6 avril 2022

DVD et blu-ray - Quatre films récents à rattraper en vidéo chez vous

First Cow. Film de Kelly Reichardt (Condor)


Septième film de Kelly Reichardt, First Cow se déroule de nouveau dans son Oregon, état sauvage de la côte ouest. En 1820 c’est encore des forêts primitives. Dans ces bois souvent hostiles, des trappeurs tentent de survivre. Cookie (John Magaro) est le cuisinier d’un petit groupe cherchant à rejoindre un comptoir. La nuit, il aide un homme en fuite, King Lu (Orion Lee). Quand le cinéma s’approche le plus de la poésie. Avec en bonus un long entretien avec la réalisatrice. 

Madeleine Collins. Film d’Antoine Barraud (Blaq Out)


Le thème de la double vie secrète est au centre de Madeleine Collins, film avec Virginie Efira en vedette. Judith est mariée à Melvil (Bruno Salomone). Ils ont deux garçons et vivent en France. Mais pour son boulot d’interprète, Judith doit se rendre très souvent à l’étranger pour des périodes de 5 à 10 jours. En réalité elle ne quitte jamais la Suisse où elle élève une petite Ninon avec le père Abdel (Quim Gutiérrez).

Un héros. Film d’Asghar Farhadi (Mémento)


Rahim (Amir Jadidi), un Iranien, est condamné à de la prison pour une dette qu’il n’arrive pas à rembourser. Lors d’une permission, il trouve un sac rempli d’argent et va le rendre à une inconnue, il va devenir un héros. Momentanément. 

Ce film, implacable, montre toute la mécanique de la rumeur et de la médisance. Rahim, malgré sa bonté, son sourire et sa volonté de s’en sortir pour refaire sa vie et aider son fils handicapé, va se retrouver pris au piège de sa propre histoire.

Oranges sanguines. Film de Jean-Christophe Meurisse (The Jokers)


Il existe encore des films qui aiment mordre. À sang. Et méchamment. Personne n’est épargné dans Oranges sanguines. En premier lieu, les politiques et leurs conseils. Un ministre (Christophe Paou) est pris la main dans le sac. Il va demander à son ami et avocat (Denis Podalydès), de trouver la solution pour qu’il conserve son poste. Son châtiment sera très visuel…


De choses et d’autres - Tout sauf…

Il semble loin le temps où l’élection du président de la République incarnait la rencontre entre un homme (ou une femme) et le peuple. Il y a 5 ans, l’élection d’Emmanuel Macron surfait encore, un peu, sur ce précepte, même si quantité de voix s’étaient portées sur son bulletin au nom du principe « tout sauf Le Pen ».

Paradoxe, un quinquennat plus tard, cette maxime est valable désormais dans les deux camps. Pour beaucoup de votants au premier tour - et plus encore au second - le choix ne s’établit pas en fonction de la carrure gouvernementale de Marine Le Pen, encore moins de son programme, mais du simple fait que le plus important pour eux, est le « tout sauf Macron ». 

Plus question d’élection présidentielle, mais de rejet présidentiel. Les Français traînent la réputation de peuple râleur, mais jusqu’à présent, lors des grands rendez-vous démocratiques, ils savaient faire la part des choses.

Le 24 avril, nombre d’électeurs ne glisseront pas dans l’urne le bulletin de celui ou celle qui a leur préférence, mais qu’ils détestent le moins. Un choix par défaut. Tout en restant persuadés que ce sera mieux qu’avant, car différent. Nul besoin d’être voyant extralucide pour se douter que la démarche n’engendrera que déception, le soir du 2e tour. La logique et surtout l’intelligence voudraient que chacun choisisse en fonction de ses préférences, pas de ses dégoûts.

Alors, relisons bien les programmes des deux finalistes, regardons le bilan de l’un et les projets de l’autre et choisissons en évitant toute réaction épidermique. En France, nous votons démocratiquement. Pendant qu’un pays d’Europe subit les assauts d’un dictateur soi-disant « élu ».

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 14 avril 2022

mardi 5 avril 2022

De choses et d’autres - Rancune familiale

Si Marine Le Pen est élue présidente de la République, le 24 avril prochain, sa nièce Marion Maréchal ne fera pas partie du futur gouvernement. Elle est comme ça, la patronne de l’extrême droite française : un peu rancunière et pas sensible aux sirènes du népotisme. Rancunière, pas de doute. Car la petite nièce qu’elle a presque élevée a osé la trahir pour Zemmour, le félon, parti au combat avec 18 % d’intentions de vote et qui s’est retrouvé, au final, avec un petit 7 %. Marion devra patienter.
Par contre, le côté rejet du népotisme de la part de Marine Le Pen est beaucoup moins convaincant. Il ne faut pas oublier comment elle est arrivée à la tête du Front national. Si Marine est désormais quasiment devenue une marque commerciale, à la base c’est le nom de Le Pen qui lui a le plus servi pour gravir les échelons.

Marine, après Jean-Marie... La fille de son père, comme une digne héritière de la bourgeoisie française, a repris l’entreprise familiale (racisme en gros, antisémitisme certifié) et a tenté, durant des années, avec le même programme, plus brun que bleu, de vivre grassement en se faisant élire partout où la proportionnelle lui permettait de l’emporter sans prendre trop de risques.

Quand elle a décidé de tenter le jackpot (l’Elysée, carrément), elle a dû polir son image, renier le père et ses outrances. Mais 32 années dans le sillage du Front national (elle a adhéré en 1986) laissent forcement des traces. La preuve, elle a conservé le nom de Le Pen, ce que n’a pas fait la nièce, redevenue une simple Maréchal.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 13 avril 2022

lundi 4 avril 2022

De choses et d’autres - La persévérance paye toujours...

La persévérance est souvent une qualité qui fait défaut. Encore plus en ces temps modernes où la moindre réponse doit être obtenue de façon instantanée et immédiate. Il faut savoir donner du temps au temps, selon la maxime popularisée par Mitterrand. Prenez cet homme vivant dans l’Allier. Depuis 1976, il faisait, chaque semaine, le même rituel. Plus de 2300 fois d’affilée. Toujours en vain.

Et puis, il y a deux semaines, il a enfin compris pourquoi il s’obstinait à jouer les mêmes numéros au loto. Les six mêmes numéros : 33, 38, 41, 44, 49, numéro chance 7 ; plus tard, il se retrouvait à la tête d’un pactole de 15 millions d’euros.

Si, dans sa tête, il continue à compter en anciens francs, il a virtuellement sur son compte en banque 9,8 milliards. Même si ça paraît immense, cela reste quand même très en deçà de la prime promise au PDG de Peugeot.

Encourageons ceux qui savent attendre, patiemment, malgré les messages de découragement.

Mais oui, cher électeur de Mélenchon, dans 3 présidentielles, en 2037, ton candidat s’il continue à progresser sur le même rythme, sera enfin qualifié au second tour.

Et toi, militant de l’extrême droite française, toujours dans 3 présidentielles, ton parti aura enfin perdu son étiquette infamante depuis la création du « Rassemblement de la Reconquête républicaine », fusion des ultimes débris de la partie à droite de l’échiquier politique français.

Oui la persévérance est importante. Prenez la démocratie ou les droits de l’Homme, si l’on n’était pas des millions, régulièrement, à s’engager pour ces justes causes, il y a longtemps qu’on serait tous en plein cauchemar.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 15 avril 2022

dimanche 3 avril 2022

De choses et d’autres - Un cap difficile à franchir

Depuis quelques mois, j’affiche au compteur des âges un 60 qui devrait m’honorer. D’ordinaire, c’est le cap de la sagesse et de la reconnaissance. Mais en ce lendemain de premier tour qui prend des airs de jour de la marmotte (comme Robin Williams dans le film Un jour sans fin, on a l’impression de revivre, à l’identique, le second tour de 2017), j’ai de plus en plus honte de mes 60 ans.

La faute aux jeunes. Ils protestent, ce lundi, contre le vote de tous ceux qui, comme moi, ont plus de 60 ans et ont mis outrageusement Macron en tête au détriment de Mélenchon, leur chouchou. Il est vrai, qu’au final, le leader, désormais incontestable de la gauche, manque de créer la surprise et d’éliminer Marine Le Pen. Il lui manque 400 000 voix. Pas grand chose quand on sait qu’Anne Hidalgo en a recueilli plus de 600 000.

Face à cette cruelle désillusion, certains jeunes regrettent que le Covid n’ait pas fait plus de ravages dans la population la plus âgée, voire préconisent une euthanasie familiale active et sélective. Par exemple, le tonton Philippe (85 ans et qui doit son prénom à l’admiration de ses parents pour le maréchal) à la logorrhée raciste et antisémite, dans les rares moments de clairvoyance que lui laisse son dernier ami, Alzheimer.

Mais ce serait trop simple et très injuste, car, tout en étant, depuis peu, dans la mauvaise tranche d’âge (j’ai plus de 60 ans pour ceux qui ne suivent pas), de toute ma vie, je n’ai jamais voté pour l’extrême-droite. Par conviction personnelle et aussi pour ne pas salir la mémoire de mon père, résistant de la première heure, face à l’envahisseur nazi.

Par contre, j’avoue avoir parfois voté à droite. Déjà deux fois (en 2002 et en 2017). Et, sans doute, une troisième fois dans deux semaines.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 12 avril 2022