mercredi 2 février 2022

De choses et d’autres - Défis pour les traducteurs

La semaine dernière, Joe Biden, en pleine conférence de presse, croyant que son micro était coupé, a lâché une appréciation peu reluisante à l’encontre d’un journaliste de Fox News. Une belle grosse insulte, de celles qui sont bipées dans les programmes de téléréalité. Certains s’offusquent, d’autres rigolent… Et puis, il y a les journalistes de l’Agence France Presse basés à Washington qui se posent des questions.

Dans un tweet, Sébastien Blanc, responsable du bureau américain de l’agence de presse française, résume le problème : « Gros débat au bureau de l’AFP, à Washington, sur comment traduire au mieux le dérapage de Joe Biden, qui a lancé à un journaliste de Fox News : « Stupid son of a bitch ». « Espèce d’enfoiré » ?, «Fils de pute » ?, «Gros connard » ?

Décision finale : « Espèce de connard » ! Voilà donc comment le mot « connard » s’est invité dans la diplomatie mondiale.

Mais ce n’était pas une première, car le dilemme inverse s’était présenté quelques jours auparavant. Cette fois c’était les journalistes anglo-saxons qui se sont arrachés les cheveux quand Emmanuel Macron a expliqué à des lecteurs du Parisien qu’il avait envie « d’emmerder les antivax ». Certains ont choisi la version light avec les verbes « to bug », plus proche d’embêter. D’autres ont bien compris l’intérêt du trash et le président français se retrouvait à scander du « piss off » à tire-larigot.

Bref, en « emmerdant les sons of a bitch », les plus hautes sphères parlent parfois aussi mal que dans les cours de récréation.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 29 janvier 2022

mardi 1 février 2022

Cinéma - « Arthur Rambo », double maléfique de l’écrivain

La gloire pour Karim D. avant que les tweets d’Arthur Rambo ne le rattrapent. Memento Films Distribution

Karim D. (Rabah Naït Oufella), jeune écrivain originaire de banlieue rencontre le succès avec son livre racontant la vie de sa mère. Mais derrière ce bon fils, talentueux et exemplaire se cache un certain Arthur Rambo. Sur Twitter, Karim/Arthur est homophobe, antisémite et racistes. Le jeune prodige est descendu en flèche par la même presse qui l’adulait auparavant. Karim tente de se justifier : c’est la création d’un personnage de fiction symbolisant son « double maléfique ».

Laurent Cantet s’est inspiré d’une histoire vraie pour signer un film grave et édifiant sur les apparences et la folie engendrée par les réseaux sociaux. Le début du film, très lumineux, montre un Karim souriant, honoré de cette reconnaissance. Il devient une célébrité, passe à la télévision. Il reçoit même une proposition d’adapter son roman au cinéma et de le réaliser. Une belle histoire comme aime les raconter la presse. Il suffit de quelques messages expliquant que Karim D. est également présent sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme d’Arthur Rambo pour que tout s’écroule. Car ce Rambo a la même violence que l’ancien soldat américain. 

Violence écrite avec des tweets d’un racisme ou d’un antisémitisme que rien ne peut excuser. Le film montre comment on peut se transformer de chouchou de la France d’en bas en véritable pestiféré. Presque filmé comme un documentaire, Arthur Rambo suit la dérive de Karim, prenant conscience, petit à petit, de la gravité de ces messages ignobles. Pourtant, il s’arc-boute sur son explication : Arthur Rambo est un personnage de fiction, jamais il ne pense ce qu’il écrit. Du moins tente-t-il de s’en persuader. C’est sa petite amie qui résume le mieux ce dilemme quand elle demande comment toute cette merde peut cohabiter dans une tête si intelligente. Le film ne l’explique pas. Ni Karim et encore moins Arthur.

Film français de Laurent Cantet avec Rabah Naït Oufella



De choses et d’autres - Test technique

Pour fabriquer ce quotidien, nous utilisons, journalistes et techniciens, un logiciel particulier. Mardi, nous sommes passés à la nouvelle version, la 7. Un transfert totalement transparent pour vous, lecteurs de l’Indépendant. Pourtant, il y a toujours des risques quand on mélange technique, test et mise en production.

Pour apprendre à maîtriser les nouvelles fonctionnalités offertes par la nouvelle version, on travaille dans des pages test. Et ces formations, parfois, ressemblent à des occasions inespérées de se décharger de toute la pression quotidienne. C’est la foire au mot d’esprit ou transgression qui, a priori, ne franchira jamais ces quatre murs.

Sauf quand on fait une fausse manœuvre. Je me souviens de cette grosse gaffe à Tahiti, un laborantin aigri, croyant que les clichés avaient déjà été utilisés, a gravé au cutter des insultes sur le visage du PDG apparaissant dans une soirée organisée par le journal. Photos qui ont été publiées avec les mots orduriers...

On ne compte plus les fois où un texte en latin a été imprimé. C’est en fait du texte de « remplissage » servant à en mesurer la longueur.

Des dérapages qui n’arrivent pas que dans les journaux. En début de semaine, tous les utilisateurs d’Air France (soit quelques millions de personnes) ont reçu un SMS assez abscons : « Test de Julien à nouveau. » Rien à voir avec les PCR qui nous bouffent la vie. Simplement un technicien travaillant sur l’appli de la compagnie aérienne a fait un test d’envoi de message. Mais au lieu de rester dans sa configuration de travail, il est passé en production et l’a envoyé à tous les clients.

C’est bon Julien, ça fonctionne !

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 28 janvier 2022

mercredi 26 janvier 2022

De choses et d’autres - C’est quand le jour J ?

 

Les bruits de couloir se multiplient depuis une semaine : « Le jour J est imminent. » « Il va y aller. » Car cette campagne électorale de la présidentielle 2022 a beau être lancée depuis plusieurs mois, reste la principale inconnue du problème : Emmanuel Macron va-t-il se représenter ? Enfin la question exacte c’est : quand va-t-il annoncer sa candidature ?

 

Car il ne fait de doute pour personne que le président sortant va se lancer dans la conquête d’un second mandat. Alors en attendant, les « petits » candidats tentent d’occuper l’espace. Et force est de constater que plus le temps passe et plus ils sont petits. Notamment à gauche. Si dans les premiers sondages, quand on additionnait tous les scores des prétendants se réclamant du camp progressiste, on arrivait à un total qui laissait espérer la qualification au second tour d’une candidature unitaire, aujourd’hui même cet espoir s’est envolé.

Le problème de la gauche résolu (encore plus si François Hollande décide lui aussi d’y aller comme certains commentateurs bien informés le laissent entendre), le président Macron semble attendre que la droite se déchire un peu plus pour avancer ses pions. Reste à savoir quand et surtout comment il va se déclarer.

S’il continue sur sa lancée, il va passer par la très officielle allocution à 20 heures sur toutes les chaînes de télévision, pratique qu’il a multiplié durant la crise sanitaire. Un peu risqué dans le symbole. Mais ce qui est certain c’est que ce ne sera pas en direct et ni en face de journalistes. Ce sont des pratiques d’un autre âge. Du monde d’avant…

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 25 janvier 2022

mardi 25 janvier 2022

BD – Lucile, l'info rigolote à la mode Bamboo



Se moquer des chaînes d’info en continu, il fallait oser. Erroc, scénariste de la série vedette Les Profs, a passé pas mal de temps devant les canaux français pour imaginer KFMtv, caricature finale des déjà peu reluisantes CNews ou BFM. 

Pour adoucir son propos, il fait vire ces expériences ultimes à une jeune journaliste, Lucile, récemment embauchée. 



Elle va devoir aller faire des directs dans des conditions compliquées, notamment face à de nombreux manifestants protestants contre le manque de rigueur de KFMtv, mais si contents de passer à la télé… Lucile qui devra oublier sa déontologie et résister aux assauts de présentateurs vedettes qui se croient tout permis. Finalement, en comparaison à la réalité, la série est presque bienveillante.  

« Lucile & l’info » (tome 1), Bamboo, 10,50 €

lundi 24 janvier 2022

BD - Trésor liquide avec le premier tome de "Talion" de Sylvain Ferret chez Glénat


Très ambitieuse fresque futuro-écologique, Talion de Sylvain Ferret devrait donner matière à réflexion en ces temps de réchauffement climatique. Dans le futur décrit par l’auteur complet, dessinateur réaliste minutieux et virtuose, c’est la pollution qui réduit considérablement les ressources en eau. 

Les villes sont coupées en deux : les Racines, les pauvres, qui boivent une eau noirâtre qui les rend malades et les hautes sphères, bénéficiant de l’eau claire. 


Une jeune fille, Billie, va détourner des litres de ce nouvel or pour aider les enfants malades des Racines. Prévue en trois volets, Talion raconte aussi comment une famille, arrivée il y a longtemps au sommet de la société, voit les intrigues et complots devenir la seule préoccupation de ces obsédés du pouvoir. 

« Talion » (tome 1), Glénat, 15,50 €

De choses et d’autres - De l’avantage de devenir une femme en Suisse

 


Les questions de genre n’ont pas terminé de faire débat. Pour de bonnes et mauvaises raisons. En Suisse, le législateur a décidé de simplifier au maximum le changement de sexe au niveau de l’administration.

 

Depuis le 1er janvier dernier, il n’en coûte plus que 75 francs pour modifier sexe et prénom sur ses papiers d’identité helvètes. En plus d’un bref entretien pour s’assurer que vous êtes bien sûr de votre décision. Voilà comment un habitant de Lucerne, âgé d’un peu plus de 60 ans, a décidé de devenir une femme. Après avoir réglé ses 75 francs et répondu à quelques questions d’un employé communal, il est ressorti en tant que femme.

Mais ce revirement n’avait rien à voir avec un quelconque mal-être dans son statut d’homme. En réalité, le petit filou (ou la petite…) a fait cette démarche à quelques années de sa retraite. Visiblement bavard, il a expliqué à ses proches que ce changement de sexe n’est justifié que par l’appât du gain.

Car en Suisse, les femmes peuvent profiter d’une retraite complète à 63 ans, soit une année avant les hommes. Il gagne ainsi 12 mois de farniente pour la modique somme de 75 francs, soit un peu moins de 73 euros.

Espérons que cette entourloupe ne donne pas des idées à d’autres vieux messieurs proches de la fin de leurs activités professionnelles. La Suisse se retrouverait d’un coup d’un seul avec beaucoup plus de femmes que d’hommes.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 24 janvier 2022

dimanche 23 janvier 2022

BD - Dérive violente dans Mezkal chez Soleil



Bourré de références aux films de gangsters américains, Mezkal de Kevan Stevens et Jef est pourtant une production 100 % française. 188 pages de violence pure à ne pas mettre entre toutes les mains. Vananka, jeune Américain, se retrouve à la rue. 

Le père s’est barré il y a des années, son patron vient de la virer et sa mère, alcoolique, vient de mourir dans une flaque de whisky. Il ne lui reste que sa guitare et son costume. Il prend un bus et file au Mexique. Il croise la route d’une famille d’Indiens dont la belle Leila. 


Durant quelques pages c’est une belle histoire d’amour. Mais ça ne dure pas. Entre gangs de Chicanos et Hells Angels racistes, les armes sont de sortie et Vananka va se retrouver au milieu de cette guerre sanglante arbitrée par des policiers menés par un nain encore plus hargneux que les méchants.  

« Mezkal », Soleil, 26,50 €

Série télé - Les vidéos stressantes d’Archive 81 sur Netflix

Dan (Mamadou Athie) découvre les reportages de Melody (Dina Shihabi). Quantrell D. Colbert/Netflix


Pour faire peur, de nos jours, une série prétendument horrifique ne doit pas accumuler les scènes gores et les effets spéciaux mais au contraire tout miser sur l’ambiance, le détail qui intrigue et l’inattendu. Il faut, pour que l’ensemble fonctionne, particulièrement soigner l’écriture et la réalisation. Souvent c’est un peu raté car l’équilibre et compliqué à trouver. Et puis il y a les petits bijoux qui vous scotchent dans le canapé. 

Archive 81 de Rebecca Sonnenshine, en ligne depuis une semaine sur Netflix, fait clairement partie de la seconde catégorie. Ne vous laissez pas avoir part la supposée lenteur des premiers épisodes. En réalité c’est une façon habile de poser l’intrigue, d’expliquer le principe de vase communiquant entre le présent et le passé. Le présent c’est Dan (Mamadou Athie), un jeune technicien spécialisé dans la restauration des bandes magnétiques. Il est embauché par une mystérieuse multinationale pour remettre en état et numériser des cassettes vidéo sauvées de l’incendie d’un immeuble à New York en 1994. 

Le passé c’est cette année 1994 et l’arrivée de Melody (Dina Shihabi), étudiante en sociologie qui loue un appartement pour être au plus près des locataires. Une légende urbaine circule sur cet immeuble, le Visser. Les habitants, une fois acceptés, ne sortiraient quasiment plus. Melody va rapidement comprendre qu’il se passe des choses étranges au Visser. 

Une étrange et obsédante mélopée sort des bouches du chauffage central, un étage est interdit au public, le sous-sol cadenassé. Et surtout la plupart des habitants refusent de lui répondre. Toute cette enquête, le téléspectateur la vit à travers les yeux de Dan qui méthodiquement restaure et visionne les bandes tournées par Melody. 

On le voit passionné par la quête de l’étudiante qui se filme souvent en train de parler face à un miroir. Car en plus de son travail universitaire, la jeune femme recherche sa mère biologique qui aurait résidé au Visser. Quand Melody commence à s’immiscer dans les rêves de Dan, puis sa réalité, on se doute que le cauchemar est multiple.

Archive 81 fait mouche dans le mélange des univers. Melody a besoin de Dan, même si à son époque ce n’est qu’un gamin de 8 ans. Et Dan, adulte, est attiré par cette femme qui pourtant aurait 25 ans de plus que lui. Romance impossible à cheval sur les époques. À moins qu’il existe des portes entre différents mondes.


samedi 22 janvier 2022

De choses et d’autres - Le désamour vache


Il y a les divorces à l’amiable et puis les séparations un peu plus compliquées avec pertes et fracas. L’histoire d’amour entre un couple de Landais est l’exemple parfait des ravages de la jalousie. Monsieur en a assez de madame. Il demande le divorce et entend désormais vivre avec une autre compagne, plus conciliante. Mais c’est sans compter avec la rancune tenace de la première épouse.

Elle ne cède sur rien. Mène la vie dure à son presque ancien mari et profite de toutes les failles du système judiciaire pour faire durer le plaisir. Finalement, après des années de batailles par avocats interposés, le divorce est prononcé. C’était il y a quatre ans. Comme aucun accord n’est trouvé sur la maison, elle est donc séparée en deux parties distinctes et les anciens époux restent de très proches voisins.

Et c’est là que l’épouse pousse son pion le plus sournois. Depuis sa partie de l’habitation, elle passe à longueur de journée des disques de Michel Sardou le plus fort possible. La maladie d’amour en continu, bonjour le cauchemar !

Résultat son ancien mari n’en peut plus et décide de porter plainte pour harcèlement. Les juges ont donc eu à se prononcer pour déterminer si diffuser des chansons de Michel Sardou s’apparente à du harcèlement ou simplement à du bon goût français en matière de variétés. Verdict : trois mois de prison avec sursis pour la malade d’amour.

Personnellement, si ma femme avait la mauvaise idée de m’imposer du Sardou, c’est un peu plus qu’une plainte que je déposerai auprès des policiers. En réalité, malgré toute ma douceur légendaire, je serais à deux doigts de basculer dans la catégorie féminicide.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 22 janvier 2022